Pierre-Yves Gautier :
Quelle que soit sa spécialité, un bon juriste doit avant tout avoir de solides bases juridiques. C’est la raison pour laquelle il doit avoir la formation la plus généraliste avant de se spécialiser en master 2. En droit de la propriété intellectuelle, le droit d’auteur et le droit des brevets et des marques occupent une place importante, mais il faut garder à l’esprit que cette discipline soulève également des questions variées en droit international privé, en droit des obligations et de manière plus générale dans toutes les matières qui ont trait au droit des affaires. Un dossier n’est jamais autonome, en vase clos. Cette spécialité nécessite un regard panoramique sur le droit et une méthodologie extrêmement rigoureuse qu’il faut apprendre à maîtriser en s’entrainant le plus possible à faire des exercices pratiques, tout le long du master.
Les débouchés sont vastes. Il y a le Barreau, bien sûr, très important. Cependant, au rebours de la rumeur, tout le monde n’est pas obligé de devenir avocat : il n’est pas nécessaire de passer le CRFPA pour exercer le métier de juriste en entreprise. Il existe notamment de nombreux postes dans les départements concernés des entreprises, mais également au sein d’organisations internationales, de musées, de fondations. Beaucoup d’étudiants se dirigent également vers les groupes de presse où les dossiers peuvent à la fois mêler droits de la personnalité, vie privée ou encore droit du numérique.
Le mémoire de recherche, véritable enquête sociologique et scientifique, doit permettre aux étudiants d’aller à fond sur un sujet pointu. Ils peuvent à cette occasion commencer à se construire un réseau professionnel. Et puis, il y a les amis : il s’agit souvent d’une année pendant laquelle ils feront la rencontre de camarades qu’ils côtoieront jusqu’à la fin de leur vie. Cet aspect humain du parcours universitaire n’est pas des moindres.
Nathalie Denel :
Vous êtes juriste en droit de la propriété intellectuelle (PI), c’est-à-dire ? Cette terminologie emphatique qui suscite parfois des regards interrogateurs recouvre pourtant une réalité très concrète: la protection et la défense du trésor de guerre des entreprises, à savoir leurs marques et autres droits immatériels (brevets, modèles, droits d’auteur etc.) fruits de leurs investissements. Bien au-delà du simple dépôt, le juriste PI doit apporter des solutions juridiques pour contribuer au succès des opérations commerciales et mettre en place les stratégies adéquates pour acquérir et utiliser les droits de PI comme atout concurrentiel.
Les débouchés sont multiples, que l’on choisisse d’exercer en cabinet en tant qu’avocat ou conseil, en entreprise en tant que juriste PI, auprès d’un Office de PI comme examinateur ou dans un cadre universitaire pour enseigner la matière. Pour ma part, j’apprécie le milieu de l’entreprise qui me permet d’être au cœur de la vie de ses marques et produits, au côté des opérationnels, et d’intervenir à tous les stades du projet, depuis la création de la marque (ou autre actif PI) jusqu’à sa défense contre les copies.
Par ailleurs, la dimension internationale de la PI offre la possibilité d’échanger avec d’autres praticiens dans le monde entier. Cette voie est éminemment porteuse. Une récente étude de l’Observatoire européen des atteintes aux droits de PI a permis de constater qu’entre 2008 et 2010, les secteurs à forte densité de PI ont généré, directement ou indirectement, 35% des emplois dans l’UE. Une précédente étude menée aux États-Unis a révélé des résultats similaires. De plus, la communication digitale et sur les réseaux sociaux occupe une place grandissante et les entreprises demandent à être guidées sur ces sujets. La prolifération des contrefaçons génère également un besoin croissant de support juridique. C’est souvent par hasard que l’on découvre la PI. C’est par passion que l’on décide d’en faire son métier et de rejoindre les autres passionnés qui la pratiquent.