L'arbitrage, filière d'élite

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L'arbitrage, filière d'élite

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Si juridiquement tout le monde peut être arbitre, dans les faits peu d’avocats ou encore d’universitaires exercent cette fonction. Un constat encore plus vrai dans l’arbitrage international.

Comment devient-on arbitre ? Cette question, Thomas Clay, arbitre et universitaire, l’entend régulièrement de la bouche de ses étudiants. "Juridiquement, tout le monde peut-être arbitre, indique le fondateur du cabinet Clay Arbitration. La seule condition, c’est d’être une personne physique, et encore uniquement en arbitrage interne, ce qui est à la portée de tout le monde. Mais, en réalité, peu de personnes le sont." Arbitre n’est donc pas un métier, mais plutôt une fonction ou un rôle que les professionnels du droit (avocats, directeurs juridiques, professeurs de droit, anciens magistrats, avoués, etc.) endossent lorsqu’ils sont nommés par la ou les parties à un litige destiné à l’arbitrage.

 

L’arbitrage est une solution de remplacement aux procédures judiciaires. Il a l’avantage d’être confidentiel et parfois plus rapide qu’un procès juridictionnel. Lors d’un arbitrage, les parties peuvent choisir un arbitre pour trancher leur différend ou opter pour un tribunal arbitral composé de trois membres. Chacun désigne alors un arbitre, lesquels vont être appelés à nommer l’arbitre qui présidera ledit tribunal. Les parties peuvent être assistées par des avocats.

 

Procédure consensuelle, le recours à l’arbitrage doit généralement être prévu en amont de la survenance du litige dans le contrat ou le traité qui lie les parties. C’est la clause d’arbitrage, qui est notamment utilisée lors d’investissements étrangers. Celle-ci permet de ne pas passer devant les juridictions étatiques. Plus de 159 pays ont signé la convention qui permet de reconnaître les sentences d’arbitrage, de les faire exécuter sur n’importe quel territoire et donc de récupérer les créances plus facilement.

 

Les parties décident ensuite de l’agenda. Durant les audiences se succèdent des phases d’interrogatoire et de contre-interrogatoire de témoins et d’experts, avant que ne se tiennent les plaidoiries puis la délibération. "C’est la justice idéale. Qu’on ait gagné ouperdu, on s’est exprimé sans se brider, autant et aussi longtemps  qu’on le souhaite. C’est donc une justice qui ne génère pas de frustrations", estime Thomas Clay.

 

De la place mais pour les meilleurs

 

Pour travailler en arbitrage international mieux vaut être motivé car les places sont chères. Par exemple, le master 2 arbitrage et commerce international de l’université Paris-Saclay compte 30 places pour environ 1 000 candidats venus de tous les pays dont une centaine parvient à l’audition. Les conditions pour l’intégrer : avoir suivi une formation complète en droit, être titulaire d’un M2 et afficher une expérience à l’international. Des cours de droit de l’arbitrage international, interne et d’investissement y sont dispensés. Les élèves participent également à des concours et œuvrent pour une clinique.

 

Outre ce type de formations très sélectives, les universités dispensent des heures de formation, tout comme les centres d’arbitrage. "On peut encore exercer dans l’arbitrage sans avoir suivi une formation dédiée, commente Diana Paraguacuto-Mahéo, associée chez Foley Hoag. Rien n’est mpossible: ce peut être à l’occasion d’un dossier ou grâce à la dynamique de son cabinet, même si aujourd’hui les nombreux masters spécialisés en arbitrage font que la concurrence à l’embauche d’avocats connaisseurs est rude."

 

Sur quels créneaux se postionner ?

 

L’avocate y a, pour sa part, pris goût alors qu’elle travaillait en financement de projets. Sa maîtrise de l’espagnol et sa culture internationale se sont révélées indispensables dans un dossier d’arbitrage traité par son cabinet de l’époque. La praticienne constate actuellement que de nombreuses personnes hispanophones sont formées à l’arbitrage, notamment pour répondre aux nombreux cas concernant l’Amérique du Sud.

 

En revanche, des besoins existent pour ceux qui maîtrisent les langues de l’Europe de l’Est ou celles parlant le mandarin. "Outre les qualités de juristes qui sont indispensables, les arbitres sont polyglottes, habitués à jongler avec les chiffres et les monnaies, et très connectés à  l’évolution du monde qu’elle soit économique ou géopolitique. C’est ainsi que se forge le réseau qui permet d’avoir les plus beaux dossiers", ajoute Thomas Clay.

 

"Il faut aussi être capable de se distinguer, note Diana Paraguacuto-Mahéo. Ce qui peut passer notamment par la spécialité." L’avocate cite par exemple le développement, possible à l’avenir, de l’arbitrage en matière de propriété intellectuelle. Le droit commercial, déjà bien présent, va continuer à prendre de l’ampleur. Alors que l’arbitrage des investissements est régulièrement, lui, attaqué. "La responsabilité des entreprises dans le changement climatique pourrait devenir aussi un sujet même si pour l’instant il n’y a pas vraiment de cas." D’ailleurs, la CCI (Chambre de commerce internationale) s’apprête à publier un rapport sur le sujet.

 

Rémunérations

 

L’arbitrage peut être pratiqué aussi bien dans des grands cabinets internationaux que dans des boutiques, qui ont généralement pignon sur rue. Si cette activité est très exigeante, elle est généralement aussi très rémunératrice. En ce qui concerne les émoluments, deux systèmes existent : les arbitres peuvent percevoir un pourcentage du montant du litige ou être rémunérés en fonction du temps passé.

 

Selon un rapport publié fin 2015 par la Chambre de commerce internationale (CCI), 83 % des coûts d’un arbitrage relèvent de ceux engagés par les parties pour leur défense (tels que les frais d’avocats et d’expertise). Les honoraires des arbitres représentent 15 % des frais, le restant relevant des débours administratifs. "L’arbitrage est rémunérateur, mais 83 % des dépenses sont les frais de défense, et non pas les honoraires des arbitres. Le travail des conseils est bien plus lourd que celui des arbitres. Ils sont donc, logiquement, mieux rémunérés", commente Thomas Clay.

 

Ces conseils, qui accompagnent les parties lors des arbitrages sont rémunérés de manière classique. C’est-à-dire soient grâce à des forfaits, soit au temps passé et/ou au résultat. Le plus souvent les honoraires pratiqués sont très élevés, à l’image des enjeux financiers. Lorsqu’au sein des cabinets les grilles d’honoraires sont dissociées par spécialités, les avocats en arbitrage font partie des mieux rétribués.

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