Vers un Ordre national des avocats ?

Vers un Ordre national des avocats ?

Conseil National des Barreaux, conférence des bâtonniers, Ordre par région… la profession souffre aujourd’hui d’une représentation multiple, renvoyant pour certains une image brouillée et négative. Plusieurs avocats ont alors décidé de créer l’association «Association pour un Ordre National des Avocats ».

Pour comprendre en quoi celle-ci consiste, quels sont ses objectifs et quels seraient selon elle, les principales missions d’un ordre national, nous avons intérogé son président Monsieur Pascal Saint Geniest, avocat et ancien bâtonnier. 

 

Carrières-Juridiques.com  : Quelles critiques feriez-vous de l’organisation de la profession, telle qu’elle existe aujourd’hui ?



Pascal Saint Geniest : L’organisation de la profession d’avocat s’explique par des raisons historiques, mais elle n’a jamais été conçue de façon rationnelle. Le résultat est aujourd’hui accablant : notre représentation est confuse, nous ne parlons pas de la même voix, nos institutions se concurrencent au lieu de s’entraider, les vieux clivages stériles (grands et petits barreaux, Paris et province, ordres et syndicats) entretiennent la méfiance et les jalousies. La profession accumule ainsi les handicaps. Les avocats - et leurs clients avec eux - souffrent des échecs répétés de leurs représentants. Et la comparaison avec d’autres professions est cruelle.


La mandature qui s’achève a vu ces travers s’aggraver dans l’indifférence générale des élus. « Travailler pour rien, ce n’est pas grave » ai-je entendu lors de la dernière assemblée générale du CNB . Nous n’acceptons plus ce fatalisme.



C-J.com : Quels sont les arguments ainsi que les moyens d'action de votre association « Pour un Ordre National des Avocats » ? 



P. SG : Il ne s’agit certainement pas de prétendre que des solutions toutes faites régleront tous les problèmes comme par magie. Mais nous sommes animés par la conviction que les avocats ont le droit de dire ce qu’ils souhaitent en matière de gouvernance.


Préfèrent-ils le maintien de la situation actuelle ou son remplacement par la création d’une institution ordinale nationale, forte et unie, donc unique et élue selon des critères simples et sur la base de principes clairs ? Trouvent-ils judicieux que les moyens soient mieux répartis de telle sorte que les disparités actuelles en termes d’assurance, de prévoyance, de documentation, de services rendus tendent à s’estomper ?


Nous ferons connaître nos idées par la création d’un site internet et par l’intermédiaire de nos adhérents locaux qui informeront les avocats dans les barreaux.


Et une fois élus, nous imposerons l’organisation d’une consultation nationale et démocratique.



C-J.com : Quel serait l’objectif global d’un ordre national des avocats? Quelles seraient ses premières missions ? 



P. SG : D’abord, il s'agira de rationaliser les actions et limiter les dépenses inutiles, raccourcir les processus de décision, assurer une représentation univoque vis-à-vis des pouvoirs publics. Il s'agira  aussi de garantir le respect d’une déontologie identique sur l’ensemble du territoire national. Et puis, comme je viens de l’esquisser, offrir aux avocats de France des prestations et des services plus comparables et mutualités.



C-J.com : Jean Castelain, ancien Bâtonnier de Paris et vice président de l’association « Pour un Ordre National des Avocats » a déclaré que la réforme viendra des jeunes avocats. 


Notre enquête co réalisée avec l’AEA et la FNEA, effectuée auprès des élèves avocats et des jeunes avocats révèle que plus de 80% de ceux-ci souhaitent exercer en région parisienne…. Dès lors comment un Ordre national des avocats pourrait éviter une sur-représentation des avocats en Ile-de-France?



P. SG : Le rajeunissement de la profession est une constante sur l’ensemble du territoire national et je crois que beaucoup de responsables ont oublié que cette évolution supposait aussi un changement des mécanismes anciens qui ne répondent plus aux attentes des nouveaux avocats.


La région parisienne attire beaucoup d’entre eux, mais les grandes métropoles régionales voient leurs effectifs grandir à une vitesse largement comparable. Un ordre national des avocats devrait, à notre sens, s’affranchir de considérations purement géographiques pour rechercher une représentation démographique qui se rapproche des réalités sociologiques de la profession. Le conservatisme de nombre des composantes actuelles du CNB constitue d’ailleurs l’une des raisons de son immobilisme.


La profession d’avocat est une profession libérale ; je ne crois pas qu’un ordre national ait pour vocation d’inciter les avocats à exercer ici ou ailleurs. D’ailleurs, le maillage géographique me semble assez bien assuré par la répartition actuelle des avocats sur l’ensemble du territoire national.



C-J.com :  L’ordre national aurait-il également vocation à venir réformer la formation des avocats sur tout le territoire ?  Si oui, de quelle manière ?



P. SG : Evidemment. Les travaux du CNB et du barreau de Paris doivent être achevés et traduits concrètement par la mise en application de l’indispensable réforme de la formation initiale. Malheureusement, cette mandature peine à franchir le cap de la rédaction de rapports pour aboutir à une réalité. Cette réforme est l’un des meilleurs critères de l’incapacité de la gouvernance actuelle à faire aboutir un projet pourtant consensuel.



Propos recueillis par Capucine Coquand, responsable presse pour Carrières-Juridiques.com 



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