Professionnels du droit : peut-on se reconvertir ?

Professionnels du droit : peut-on se reconvertir ?

Après quelques années d’exercice, de nombreux avocats, juristes, ou autres professionnels du droit souhaitent voluer dans leur carrière en changeant de métier, pour des raisons variées. Heureusement pour eux, des passerelles existent, notamment pour les professions règlementées. Focus sur ces reconversions de plus en plus nombreuses.

Les motivations pour changer de métier sont nombreuses : rythme et qualité de vie, épanouissement intellectuel, besoin d’évolution. Généralement, la question concerne les avocats qui souhaitent abandonner l’exercice libéral pour travailler en entreprise d’une part, et ceux qui désirent prendre le chemin inverse d’autre part. Dans les deux cas, il s’agit souvent d’une inadéquation entre le tempérament du professionnel et son métier exercé. Une autre explication vient de l’envie naturelle de changement, le besoin d’évoluer vers un but nouveau, d’atteindre un objectif. Enfin, une dernière catégorie de « reconvertis » regroupe ceux qui, arrivés à un certain âge, souhaitent continuer à travailler tout en découvrant une nouvelle facette de l’exercice juridique.

Alors que l’évolution vers l’entreprise ne nécessite pas de formalisme particulier, l’entrée dans une profession règlementée ou à l’Ecole nationale de la magistrature est le plus souvent soumise à un concours de la fonction publique. Le « troisième concours » peut être intéressant après quelques années de pratique juridique dans le privé ou le public, mais également le concours externe, au même titre que les jeunes diplômés. La profession d’avocat, quant à elle, nécessite un éclairage particulier.
Les avocats qui n’exercent pas, ou peu, en tant que tels, sont nombreux, et représentent une part importante des juristes d’entreprises. Dans ce cas, la reconversion est aisée : le titre d’avocat, bien que n’étant pas nécessaire au métier de juriste, est un atout indéniable pour être recruté, et est souvent un gage de fiabilité dans l’esprit des dirigeants d’entreprises. Beaucoup d’avocats n’ont même jamais exercé en cabinet ou presque, peu séduits par la condition difficile d’avocat collaborateur ou salarié d’un cabinet.

 

Dans l’autre sens, après plusieurs années de pratique en entreprise, des juristes tentés par l’exercice libéral choisissent de se reconvertir en avocats. Pour cela, ils disposent de passerelles prévues par le Décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat (Décret n°91-1197). Celles-ci sont plus ou moins faciles à emprunter. L’article 97[1] du décret prévoit une dispense de CAPA pour les magistrats, les membres des juridictions administratives, ou encore les professeurs d’université chargés d’un enseignement juridique. Pour ces personnes, dont les fonctions démontrent une aptitude juridique importante ou la réussite de concours difficiles, une simple inscription au Conseil de l’ordre du barreau de leur choix leur ouvre l’exercice de la profession d’avocat.

 

L’article 98[2] de ce même décret porte sur les autres professionnels du droit. Globalement, les professionnels ayant exercé une activité juridique à titre principal pendant au moins huit ans, ou cinq ans dans certains cas, sont également dispensés du CAPA. Sont notamment concernés, les juristes d’entreprise, certains fonctionnaires de catégorie A, les huissiers, les notaires, mais également les maîtres de conférences universitaires. Pour cette catégorie de professionnels, une autre condition s’ajoutait à ces cinq ou huit années minimales d’exercice : l’obligation de suivre 40 heures de formation à la déontologie du métier d’avocat durant les deux premières années d’exercice. Cette condition a évolué et est plus restrictive depuis le Décret du 3 avril 2012 (Décret n°2012-441). Son septième article ajoute un article 98-1[3] au Décret de 1991. Désormais, l’obligation de formation à la déontologie est remplacée par un « examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle » qui doit être subi avec succès devant le jury du CAPA. Une nouvelle modalité qui ne réjouit pas les candidats à cette passerelle.

 

La reconversion dans le monde du droit est donc largement possible et pratiquée, dans un sens comme dans l’autre. De même, de nombreux professionnels du droit choisissent aujourd’hui une voie parfois plus originale, en tentant par exemple l’aventure entrepreneuriale.



[1] Article 97 : « Sont dispensés de la condition de diplôme prévue à l'article 11 (2°) de la loi du 31 décembre 1971 précitée, de la formation théorique et pratique, du certificat d'aptitude à la profession d'avocat :

1° Les membres et anciens membres du Conseil d'Etat et les membres et anciens membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2° Les magistrats et anciens magistrats de la Cour des comptes, des chambres régionales des comptes et des chambres territoriales des comptes de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie ;

3° Les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

4° Les professeurs d'université chargés d'un enseignement juridique ;

5° Les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

6° Les anciens avoués près les cours d'appel ;

7° Les anciens avocats inscrits à un barreau français et les anciens conseils juridiques. »


[2] Article 98 : « Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat :

1° Les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises, les anciens syndics et administrateurs judiciaires, les conseils en propriété industrielle et les anciens conseils en brevet d'invention ayant exercé leurs fonctions pendant cinq ans au moins ;

2° Les maîtres de conférences, les maîtres assistants et les chargés de cours, s'ils sont titulaires du diplôme de docteur en droit, en sciences économiques ou en gestion, justifiant de cinq ans d'enseignement juridique en cette qualité dans les unités de formation et de recherche ;

3° Les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises ;

4° Les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ;

5° Les juristes attachés pendant huit ans au moins à l'activité juridique d'une organisation syndicale.

6° Les juristes salariés d'un avocat, d'une association ou d'une société d'avocats, d'un office d'avoué ou d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l'obtention du titre ou diplôme mentionné au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée ;

7° Les collaborateurs de député ou assistants de sénateur justifiant avoir exercé une activité juridique à titre principal avec le statut de cadre pendant au moins huit ans dans ces fonctions ;

Les personnes mentionnées aux 3°, 4°, 5°, 6° et 7° peuvent avoir exercé leurs activités dans plusieurs des fonctions visées dans ces dispositions dès lors que la durée totale de ces activités est au moins égale à huit ans. »


[3] Art. 98-1 « Les personnes bénéficiant d'une des dispenses prévues à l'article 98 doivent avoir subi avec succès devant le jury prévu à l'article 69 un examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle.

Le programme et les modalités de cet examen sont fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis du Conseil national des barreaux.

Nul ne peut se présenter plus de trois fois à l'examen de contrôle des connaissances. »