La rentrée solennelle du barreau de Paris : Une occasion pour les avocats d'exprimer leur colère envers le gouvernement

La rentrée solennelle du barreau de Paris : Une occasion pour les avocats d'exprimer leur colère envers le gouvernement

Remises en causes de leurs compétences, concurrence européens forte: les avocats s'inquiètent... Les 5 et 6 décembre derniers s’est tenue la cérémonie solennelle de Rentrée du barreau de Paris et de la conférence. Christiane Feral-Schuhl, bâtonnier du barreau de Paris n’a pas hésité à exprimer sa déception face au comportement du gouvernement Ayrault envers la profession.

 

Cette colère n’est pas soudaine. Il y a un mois, les avocats protestaient déjà contre le gouvernement, qui proposait une modification à la baisse du barème de l'aide juridictionnelle. Devant ce mécontentement, la Garde des Sceaux avait annulé cette modification, pour la repousser sur le budget 2014.

Revenant sur l’année 2013, Me Feral-Schuhl interpelle les avocats présents, sur ces lois qui remettent en cause leur profession.

La plus récente d’entre elles, concerne les actions collectives permettant de mener une action à plusieurs contre une société. Cette loi écarte les avocats au profit d’associations agréées. Sauront-elles éviter les conflits d’intérêt ? Respecter le secret professionnel ? Distribuer les indemnités ? Autant de questions ouvertes, qui l’amènent sur le terrain de la déontologie, de plus en plus mise en doute par l’Etat « Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas des officiers publics ministériels que l’ont doit être suspectés de dérapages ». La référence aux notaires est claire et loin d’être un hasard. Elle lui sert de transition pour revenir sur la loi Duflot. Celle-ci prévoyait la perte, pour les avocats, du monopole de cessions des parts de sociétés civiles immobilières, au profit des notaires.

 

La crise économique n’est pas étrangère à la mauvaise humeur des avocats. Ces derniers subissent en effet, depuis quelque temps, une baisse importante de leur niveau de vie. Cette situation a été pointée du doigt en novembre dernier, par le rapport présenté par Kami Haeri, (Avocat associé chez August & Debouzy,) adopté par le Conseil de l’Ordre de Paris le 12 novembre 2013. Il explique que le revenu moyen de la première année d’exercice des jeunes avocats n’a pas atteint depuis 2009, le niveau qu’il avait pu avoir en 2008. Celui-ci était alors de 25 646 euros. De façon plus générale, la crise aurait provoqué une baisse de revenue des avocats de Paris de 10 à 12% en 2013. Un quart des avocats du barreau de Paris gagnent aujourd’hui moins de 30 000 euros par an.

 

Paradoxalement, le nombre d’avocats ne cesse d’augmenter, faute de numerus clausus pour l’accès à la profession.  Le rapport Kami Haeri nous indique que le nombre d’avocat augmente de manière constante, de 10 % chaque année. Il indique de façon plus alarmante, que s’il continue sur cette lancée, le barreau de Paris pourrait atteindre 35 000 avocats en 2020. 

Les avocats réclament un élargissement de leur périmètre d’action. Ils veulent pouvoir être mis en concurrence avec les notaires pour certaines actions. Ils demandent aussi la création du métier d’avocat en entreprise avec la possibilité d’exercer en parallèle dans un cabinet (comme cela existe en Allemagne).

 

Le rapport Haeri propose lui aussi des solutions pour améliorer la situation. Il préconise notamment de rendre l’examen national. Le rapport prévoit également de limiter à deux le nombre de présentations, de fixer la moyenne générale à 12/20 et de supprimer les épreuves de spécialisation pour les phases d’admission.

Nos voisins européens donnent plus de prérogatives aux avocats. Ceci explique alors qu’ils puissent être plus nombreux. Une harmonisation toucherait au fond la profession telle qu’elle s’exerce en France. En effet, ce serait un « coup dur » pour les avocats français d’être d’une part réduits à un petit périmètre, et d’imaginer d’autre part une ouverture du marché du métier à des opérateurs dont ce n’est pas la spécialité première.

 

C’est ce sujet qui est au cœur de la polémique actuelle. La Commission européenne a d’ailleurs demandé un rapport sur l’ouverture de la profession, pour le premier trimestre prochain. Les avocats craignent de plus en plus que n’importe quel prestataire puisse exercer ce métier. Me Thierry Vicaires, à la tête de la délégation française pour le Conseil des barreaux européens imagine qu’ « une enseigne de grande surface pourrait par exemple ouvrir à l’entrée de ses supermarchés un bureau permettant de régler son divorce en même temps que l’on fait ses courses » (cela se pratique déjà en Grande Bretagne)…

 



Cette question reste cependant à nuancer. L’enjeu ne se situe par uniquement sur l’hamonisation européenne ou le nombre trop important d’avocats. L’arrivée tôt ou tard des avocats étrangers en France sera de toute façon inévitable. La vraie solution pour imaginer un futur florissant de la profession, serait de permettre aux avocats d’investir de nouveaux marchés. On y retrouverait des domaines variés, comme le contentieux communautaire, les PME, le recouvrement, le secrétariat juridique….Ces perspectives d’avenir pour la profession permettent d’éclaircir un peu, le tableau alarmiste décrit par le bâtonnier de Paris.




Capucine Coquand, Responsable presse, pour Carrières-Juridiques.com



crédit photo: justice.gouv.fr