Réforme du code du travail par ordonnances : quel contenu ?

Réforme du code du travail par ordonnances : quel contenu ?

Le 29 juin 2017, Le Premier ministre énonce que la loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social est la première d’une série de six réformes qui ont toutes pour objet « une rénovation profonde de notre modèle social ».

Partant du constat que le marché du travail a sensiblement évolué du fait de la mondialisation et des nouvelles technologies, il convient de s’adapter à ces changements et donc à réformer le Code du travail. Le Gouvernement souhaite ainsi opérer des transformations sociales visant à « libérer l’énergie des entreprises tout en protégeant les actifs ».

 

 

Le projet d’ordonnances a été adopté définitivement le 2 août 2017 par le Parlement. Dès lors, le Gouvernement dispose de six mois à compter de la promulgation du projet de loi par le Président de la République pour édicter les ordonnances et les faire ratifier par le Parlement.

 

Le projet de loi d’habilitation est composé de 9 articles dont voici les principales mesures :

 

Une nouvelle articulation de l’accord d’entreprise et de l’accord de branche

 

Il s’agit de « consacrer la place centrale voire prioritaire de l’accord d’entreprise dans le paysage normatif du droit social français ». (2) Par cet article, le Gouvernement souhaite que les normes émanent davantage des négociations entre représentants syndicaux et employeurs. Le résultat visé étant « un dialogue social constamment entretenu et effectif ». (2) Pour l’heure, il y a seulement 37 domaines où l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche. Cet article a donc pour vocation d’installer culturellement la négociation et la concertation en entreprise. De fait, il s’agit pour les entreprises de renforcer le rôle de leurs partenaires sociaux.

 

Le Gouvernement souhaite que les normes émanent davantage des négociations entre représentants syndicaux et employeurs.

 

Cet article prévoit également une « harmonisation et une simplification » de la rupture du contrat de travail notamment lorsque le salarié refuse les modifications de son contrat suite à un nouvel accord collectif. L’accord collectif aurait alors une plus grande importance dans la hiérarchie des normes que le contrat de travail. Le Code du travail serait alors moins protecteur pour les salariés.

 

En outre, le texte propose de faciliter les modalités de conclusion d’un accord par le recours à des référendums en entreprise à « l’initiative d’un syndicat représentatif ou de l’employeur ou des deux ». (2)

 

Le renforcement patent du poids des partenaires sociaux par la fusion des instances de représentation de l’entreprise

 

Actuellement il y a les délégués du personnel, le comité d’entreprise, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Initialement, la loi d’habilitation prévoyait une fusion en une seule instance de tous ces acteurs. L’objectif étant de donner à cette instance unique « une vision globale de l’entreprise dont l’éclatement des instances les privent aujourd’hui ». (2) Le Sénat a toutefois opéré une modification en la matière par rapport au texte initial.

 

D’une part, une commission spéciale consacrée aux questions de santé, d’hygiène et de sécurité soit crée au sein de l’instance unique a été mise en place. D’autre part, le Sénat a introduit un renouvellement des élus dudit comité, ces derniers ne pourront pas exercer plus de trois mandats. L’idée de fusionner les instances représentatives n’est pas neuve. La loi du 17 août 2015 dite loi Rebsamen avait déjà introduit cette idée. Il s’agit pour le Gouvernement actuel d’aller plus loin en abaissant le seuil social actuel voire de généraliser ce principe. Pour l’heure seules les entreprises de moins de 300 salariés peuvent prendre cette initiative par la seule prérogative de l’employeur. Pour les entreprises de plus de 300 salariés il faut un accord majoritaire.         

 

Préfigure aussi dans le projet de loi la question du financement des syndicats par un chèque syndical afin que les salariés apportent directement un soutien financier au syndicat de leur choix, la mesure reste toutefois à préciser.

 

 

Des relations de travail plus prévisibles et sécurisantes en entreprise

 

L’article 3 du projet de loi d’habilitation intitulé « disposition relative à la sécurisation des relations de travail » (2) met l’accent sur l’articulation entre la prévisibilité et la sécurité. A ce titre, le Gouvernement prévoit plusieurs dispositifs, notamment en matière de licenciement.

 

Il s’agit de mettre en place des indemnités prud’homales encadrées par un « référentiel obligatoire », de sorte que le salarié qui conteste un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pourra se voir verser des dommages et intérêts. Le gouvernement précise que les licenciements entachés par une faute de l'employeur d'une exceptionnelle gravité, notamment par des actes de harcèlements  ou de discrimination sont exclus de ce dispositif « car ces cas constituent une atteinte à l’intégrité de la personne ». (2) Le but de cette mesure est d’éviter les disparités qui existent entre les juges dans certains conseils de prud’hommes « conduisant une iniquité inacceptable" (1) pour les salariés comme pour les employeurs.

 

En outre, il serait envisagé la création d’un formulaire Cerfa contenant un modèle type de lettre de licenciement contenant les exigences de forme pour procéder au licenciement.

Par ailleurs, le texte prévoit une réduction et une harmonisation des délais de recours contentieux en cas de rupture du contrat de travail. Dans le même temps, le Gouvernement souhaite redéfinir le périmètre du licenciement économique ainsi que les obligations de reclassement qui incombent aux employeurs.

                 

La révision du compte pénibilité et des détachements de travailleurs

 

Le Gouvernement souhaite une « simplification des obligations incombant aux employeurs en matière de déclarations des expositions et définitions des conditions d’appréciation et de compensation de l’exposition à certains facteurs de pénibilité » (2). Le compte pénibilité mise en place depuis le 1er janvier 2015 permet, sous certaines conditions, aux salariés du secteur privé occupant un poste pénible de bénéficier d’une retraite anticipée, de se former voire de travailler à temps partiel sans pénalité de salaire.

 

Le projet d’ordonnance envisage le report « d’un an de l’entrée en vigueur de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu »

 

Le Premier ministre a d’ores et déjà indiqué que quatre facteurs (manutention de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques) seront supprimés du dispositif actuel. Ce dernier ne recouvrerait désormais plus que le travail, de nuit, répétitif, en horaires alternants, en milieu hyperbare, bruyant ou encore exposé à des températures extrêmes.

 

Enfin le Gouvernement prévoit un assouplissement des modalités d’accomplissement des formalités incombant aux employeurs vis-à-vis des travailleurs détachés transfrontaliers.

 

Un accompagnement juridique volontariste des pratiques usuelles

 

L’exécutif entend moderniser et sécuriser le télétravail, mais il est aussi animé par l’idée d’assouplir le travail de nuit lorsque celui-ci est exceptionnel. Le projet propose également que le contrat à durée indéterminée dit  « de chantier » soit étendu dans plusieurs domaines par un accord de branche dans la limite d’un cadre fixé par la loi. Enfin le projet fait état d’une sécurisation du prêt de main d’œuvre entre un groupe ou une entreprise et une jeune entreprise. Autrement dit il s’agirait pour les entreprises de prêter un salarié afin qu’il soutienne le développement d’une autre entreprise que la sienne de façon temporaire par l’apport de ses compétences.

 

La question du travail le dimanche est aussi traitée dans le projet. Le texte prévoit que la période d’adaptation du travail le dimanche dans les entreprises situées dans les zones touristiques commerciales est prolongée jusqu’au 1er août 2018.

 

Le report du prélèvement à la source

 

Le projet d’ordonnance envisage le report « d’un an de l’entrée en vigueur de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu », soit au 1er janvier 2019(2).

 

 

Arnaud STEVENS

Université François Rabelais de Tours

 

(1) Exposé des motifs du Premier ministre

(2) Etude d’impact du projet de loi

 

Pour en savoir plus : http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0004-ei.asp