“Le couple homme-technologie n’est qu’au début de son aventure"

“Le couple homme-technologie n’est qu’au début de son aventure

Dans l’univers de la legaltech française, une poignée de start-up commencent à sortir du lot. Dans le secteur de l’automatisation des contrats, Gino LegalTech a su s’imposer avec sa plateforme qui permet aux juristes de robotiser eux-mêmes leurs actes de manière totalement conviviale. Entretien avec Philippe Ginestié, avocat et fondateur de Gino LegalTech.

Lorsque Philippe Ginestié, avocat au barreau de Paris, a lancé Gino Legal Tech (GLT), il est parti d’un constat simple : dans le milieu juridique, le temps est précieux et doit être consacré à des missions à forte valeur ajoutée. Il convenait donc de limiter les tâches standardisées en automatisant la génération de contrats de toutes sortes (contrat de bail, contrat de travail, cession d’actions, pacte d’actionnaires, licences, etc.). Chose possible avec la plateforme de robotisation de contrats conçue, développée et commercialisée par GLT qui fonctionne en mode SaaS et propose deux interfaces, l’une en français, l’autre en anglais, pour le marché de l’entreprise et des cabinets d’avocats en Europe. La plateforme ne fournit aucun contenu juridique et peut donc être utilisée dans tous les pays, quel que soit le système de droit.

 

Carrières Juridiques. Sur quel business model fonctionne GLT ?

Philippe Ginestié. Il s’agit d’un service en ligne auquel on doit s’abonner et qui comprend une prestation d’accompagnement de la mutation numérique dans le domaine contractuel. Cette prestation permet de définir avec les clients les contrats à robotiser ainsi que les personnes habilitées à le faire.

 

Pour démarrer, les clients ont besoin d’être rassurés sur la totale convivialité de la plateforme. GLT les  accompagne également dans leur réfl exion sur la mutation numérique. Nous proposons une formule d’abonnement de douze mois avec la possibilité de sortir du contrat après les trois premiers mois. Elle débute à 250 euros par mois par juriste créateur de robots et 120 euros par producteur de contrats (celui qui utilise des robots). La solution est commercialisée depuis fin 2017.

Equipe de GLT dans les locaux de la start-up à Paris

 

Comment fonctionne GLT ?

Un robot est un système capable de reproduire la conduite humaine. Robotiser un contrat, c’est créer un système qui reproduit, fidèlement, le comportement du rédacteur d’actes. C’est-à-dire un système
capable d’interroger le demandeur de l’acte, puis de rédiger le contrat correspondant à ses desiderata. Il existe donc deux phases : la robotisation du contrat et l’utilisation du robot créé pour produire des contrats.
Notre interface a été conçue pour guider intuitivement le juriste dans l’opération de robotisation d’un contrat qui se fait au fi l de la rédaction (ou par enrichissement d’un contrat déjà existant). Trois outils – des
variables, des conditions et des boucles – suffisent pour robotiser les contrats les plus complexes. Cette robotisation ne suppose aucune formation, tout juste une prise en main.

 

Une fois le robot créé, celui-ci élabore automatiquement les questions à poser aux producteurs. La simple réponse à ces questions permet au robot de générer un acte prêt à signer, sous forme de document
Word ou de PDF. Dans l’espace de stockage des contrats, les producteurs peuvent mettre à jour le statut des projets et insérer des commentaires.

 

Quel est l’avantage principal de GLT ?

Le principal bénéfice de notre solution réside dans la capitalisation du savoir-faire. Chaque robot est enrichi au fil des expériences et des variantes qui se présentent. Il devient ainsi un actif immatériel de l’entreprise, ce qui permet à toute personne d’y avoir accès à tout moment. En outre, GLT permet une montée en compétences des avocats, juristes et paralégals. Centraliser les contrats automatisés répond aussi à la volonté des directions juridiques de déléguer la production de certains contrats aux opérationnels, en toute sécurité. Enfin, cela représente un gain de temps considérable.

 

Pour un pacte d’actionnaires, on passe de huit à vingt heures de travail à trente minutes environ avec Gino. Cela induit un changement de l’économie de production de contrats, un avocat ne pourra plus facturer de la même manière. Déjà, des cabinets commencent à autoriser leurs clients à utiliser leurs robots, moyennant une redevance. La robotisation permet l’intégration automatique et en temps réel de toutes les données contractuelles dans le système d’information de l’entreprise. En exploitant ces données, auparavant inexploitées car indisponibles en format numérique intelligent, les entreprises développeront une masse de connaissances nouvelles qui leur permettront d’améliorer leurs politiques juridiques, d’organisation, financières et marketing. Les contrats contiennent, en effet, une masse considérable d’informations, non seulement juridiques, mais
aussi économiques.

 

Comment envisagez-vous l’avenir face à la concurrence ?

Nous avons pour ambition de devenir les leaders de la robotisation des contrats par les juristes eux-mêmes, et nous sommes les premiers sur ce marché. Nous remarquons beaucoup de tentatives avortées dans ce domaine. Concevoir un tel logiciel est une mission complexe, particulièrement lorsque l’on souhaite mettre à disposition un outil ne demandant aucune formation. Dans le marché des contrats automatisés, les
éditeurs juridiques ou les legaltechs, à l’instar de Captain Contrat ou de Legalstart, vendent du contenu. Chez GLT, nous vendons une plateforme qui robotise des contrats, un outil de capitalisation de la
connaissance et de délégation de la production. Le contenu reste l’apanage du client, juriste en entreprise ou avocat. Au fil du temps, nous ne cesserons d’introduire de nouvelles fonctionnalités ainsi que des modules associés de type « signature électronique », « blockchain » (pour sécuriser les négociations et la conservation des contrats conclus), « smart contracts » (pour automatiser l’exécution de parties des contrats), « technologies de traitement du big data » (pour exploiter la masse des données contractuelles des entreprises). 

 

Le couple homme-technologie n’est qu’au début de son aventure. L’homme ne fera plus de tâches répétitives, il apprendra à des robots à refaire ce qu’il a conçu. Il gagnera un temps considérable dont il pourra bénéficier pour imaginer les réponses juridiques à un monde qui change vite et en profondeur. 

 

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE ALLEMAND