David Gordon Krief. « Notre institution ne doit pas reproduire le modèle de la politique globale »

David Gordon Krief. « Notre institution ne doit pas reproduire le modèle de la politique globale »

David Gordon-Krief et Hubert Flichy sont certainement les candidats au bâtonnat de Paris les plus visibles. En campagne depuis plusieurs mois, ils écument colloques, cocktails, remises de prix, et autres festivités juridiques parisiennes. Particulièrement agacés par la candidature du vice-bâtonnier, les deux candidats n’ont pas manqué de faire entendre leur position. Nous les avions rencontrés au mois d’octobre 2014, la campagne n’a depuis pas manqué de rebondissements…  

Carrières-Juridiques.com. Vous êtes en campagne depuis plusieurs mois. Pouvez-vous revenir avec nous sur le démarrage de celle-ci et sur votre rencontre mutuelle ?


David Gordon-Krief. J’ai commencé à me pencher sur l’idée d’être candidat en février 2013. Je quittais à ce moment la présidence de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) et je me suis dit qu’une candidature au bâtonnat de Paris avait un sens. Je voulais m’associer à quelqu’un qui soit capable de faire des choses. Je connais Hubert depuis dix ans. Il a créé un cabinet, a été capable de fédérer autour de différents projets… qui mieux que lui pour promettre du concret ? C’est mi-octobre 2013 que nous avons réellement pris ensemble la décision de nous présenter au bâtonnat.


Hubert Flichy. J’avais également en tête l’idée de me présenter depuis quelques temps. J’ai aujourd’hui un certain recul vis-à-vis de cette fonction et de la profession en général. C’est naturellement que les rôles se sont distingués entre nous deux, sans aucune concurrence et avec le plus grand respect. 



C-J.com. Vous avez donc été perturbés par la modification du calendrier électoral (1)….


D. G- K. Ça fait presque deux ans que nous sommes en campagne. Je me suis engagé vis-à-vis de mon entourage familial comme professionnel, à me lancer dans une campagne qui devait se terminer en 2014. Qu’il est difficile de demander des sacrifices à ses proches et de s’organiser, alors même que le calendrier électoral a changé trois fois dans le courant de l’année 2014 !



C-J.com.  En dehors des polémiques, cette modification du calendrier est-elle une bonne idée ?


D. G- K. Ce n’est pas une bonne idée. Il ne faut pas confondre le calendrier électoral et le dauphinat. Ce dernier sert à assurer la continuité de l’action, à suivre les dossiers, à avoir du poids pour négocier en amont de la prise de fonction du bâtonnier. Néanmoins, je reconnais qu’un dauphinat de douze mois n’est pas nécessaire et que six mois suffisent. La bonne idée aurait été de décaler toutes les élections, celle du bâtonnat et celle du Conseil de l’Ordre. Il fallait un projet global de modification du calendrier. De façon générale, Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet ont voulu être les seuls chefs pendant deux ans. La beauté de l’institution, c’est de ne pas reproduire le modèle de la politique globale. Avec un mandat de deux ans non renouvelable, le bâtonnier est « condamné » à la politique des idées et à transmettre les dossiers. En permettant au vice-bâtonnier de se présenter après son mandat, on met en place une sorte de monarchie ordinale. Il est parfaitement anti-démocratique de s’appliquer à soi-même une réforme électorale.  


H. F. Il faut bien comprendre que nous n’attaquons pas ici Laurent Martinet en tant qu’homme, mais nous pensons que ses actes dénaturent la fonction. Le bâtonnier et le vice-bâtonnier sont là pour remplir les missions qui leur ont été affectées, et non pour faire campagne. Les inégalités entre Laurent Martinet et les autres candidats sont flagrantes. Depuis 2014, en tant que candidats il nous est impossible de participer à des colloques organisés par l’Ordre, alors que Laurent Martinet lui,  y participe. Nous ne sommes pas d’accord avec ses agissements, c’est pourquoi, même s’il souhaite comme nous une certaine continuité, nous ne lui avons pas proposé de rejoindre nos rangs.


D. G- K. Le texte précise d’ailleurs que le vice-bâtonnier ne peut se présenter à sa propre succession. Il va donc de soi que le vice-bâtonnier ne pouvait se présenter au bâtonnat. Ce n’est pas explicite dans le texte, mais c’est évident. Cette polémique est d’autant plus agaçante qu’elle nous empêche de nous consacrer pleinement aux enjeux majeurs de notre profession.



C-J.com. En parlant d’enjeux, certains critiquent le manque de propositions concrètes dans cette campagne. Pouvez-vous nous expliquer les points clefs de votre programme de la façon la plus concrète possible ?


D. G- K. Comme vous l’avez dit, nous sommes en campagne depuis plusieurs mois.  Cela nous permet de réfléchir en profondeur à nos propositions. Nous nous efforçons de proposer des mesures excessivement concrètes. Nous souhaitons tout d’abord instaurer le rescrit déontologique. La déontologie est aujourd’hui organisée autour d’une commission dont les décisions n’ont pas de valeur pour l’avenir. Nous voulons créer une base de données numérique, qui formerait un corpus de règles déontologiques, valables pour l’avenir. Nous souhaitons que le bâtonnier ne soit plus l’autorité de poursuite, car il est avant tout le confident de ses confrères. Celle-ci serait alors entre les mains d’un ancien bâtonnier, élu pour cela, sans être membre du Conseil de l’Ordre. Nous voulons également simplifier le quotidien de nos confrères par la création d’une « Maison des services connectés et partagés ». L’objectif est de mettre à leur disposition des outils permettant de « mieux vivre », dans leur vie personnelle comme professionnelle. Dans cette même logique nous voulons redonner de la valeur au pro bono, en donnant plus de moyen au fond de dotation, en multipliant le nombre de permanence, en enseignant l’épanouissement lié à la participation à la vie associative, en augmentant la place du droit dans les écoles.


H. F. Nous avons réellement voulu mener une campagne utile et concrète. Dans cette optique, je souhaite lancer le projet des « seniors du pro bono ». L’idée est de proposer aux jeunes retraités encore dynamiques, d’aider les confrères qui sont momentanément et pour une courte durée, dans l’incapacité de suivre leurs dossiers. Je pense sincèrement qu’on peut faire des choses sans que l’argument financier ne rentre en jeu. Nous sommes obsédés par ce genre de propositions concrètes. Je continuerai d’ailleurs à porter ce projet quoi qu’il arrive et quel que soit le résultat des élections.


D. G- K. Enfin, nous souhaitons une réforme en profondeur de la gouvernance au sein de notre profession. Nous voulons d’un côté une gouvernance nationale avec à sa tête le président du CNB, véritable président des avocats de France, qui n’est en aucun cas un concurrent du bâtonnier du barreau de Paris. De l’autre côté, nous souhaitons que le Conseil de l’ordre parisien soit mieux considéré au sein de notre barreau car c’est à lui d’assurer la continuité de l’action politique de celui-ci.



C-J.com. Toujours de façon concrète, qu’allez-vous faire concernant l’EFB ?


D. G- K. A l’EFB encore plus qu’ailleurs, nous ne voulons pas réformer à tout prix, mais observer, écouter, savoir ce que pensent les premiers intéressés, à savoir les élèves avocats. La question de l’EFB est délicate. Nous devons écouter les jeunes, qui doivent être plus et mieux représentés. Nous souhaitons que la formation soit plus professionnalisante. Nous entendons souvent qu’il faudrait imposer un numérus clausus dans le but de réduire le nombre d’élèves, mais cela ne résoudra pas le problème du chômage des jeunes avocats. Il faut donner aux avocats des outils pour leur permettre d’être plus forts et plus compétitifs dès leur formation.



C-J.com. Quel sera votre mot d’ordre si vous êtes élu au bâtonnat ?


D. G- K. Rester humbles, modestes, et continuer à travailler en concertation avec des gens les plus compétents possibles, dans le but de rechercher toujours plus d’efficacité.



Le programme de David Gordon-Krief et Hubert Flichy est disponible sur le site de campagne nousavocats.fr

 


(1)     En 2014, Laurent Martinet et Pierre-Olivier Sur ont souhaité supprimer le dauphinat. Celui-ci, et sur ordre du CNB, n’a pu être totalement supprimé et a été finalement été réduit à six mois. Les élections ont ainsi été organisées en juin 2015, soit six mois avant la fin du mandat actuel. Certains reprochent au vice-bâtonnier, Laurent Martinet, d’avoir modifié le calendrier électoral afin de pouvoir se présenter lui-même au bâtonnat.



Propos recueillis par Capucine Coquand