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Actualités Concurrence - Novembre 2015

Publié jeudi 17 décembre 2015

La CJUE fournit une grille de lecture sur les remises accordées par une entreprise dominante

Dans un arrêt du 6 octobre 2015, la Cour de Justice de l’Union Européenne, saisie d’une demande préjudicielle, revient sur la délicate appréciation de la légalité des rabais accordés par une entreprise dominante.


Dans cette affaire, l’opérateur postal ultra dominant Post Danmark, détenant 95% du marché des envois postaux, avait mis en place un système de remises progressives de 6 à 16% sur des quantités conditionnelles estimées par les clients en début d’année. Ces remises étaient également rétroactives, c’est-à-dire s’appliquaient sur l’ensemble des achats dès que le seuil de la remise était franchi et non pour les achats supérieurs au seuil.


La Cour rappelle tout d’abord qu’un pur rabais de quantité n’est pas en principe abusif. En l’espèce toutefois, il ne s’agit pas d’un simple rabais de quantité puisqu’il porte sur l’ensemble des commandes sur une année et qu’il est rétroactif. Il faut donc apprécier ce système de remises par rapport à l’ensemble des circonstances du marché et examiner s’il tend à restreindre le choix de l’acheteur pour des sources d’approvisionnement concurrentes. Le simple fait que les remises ne soient pas appliquées de manière discriminatoire ne fait pas obstacle à ce qu’elles puissent avoir un effet d’éviction du marché.


En l’occurrence, il ressort des éléments du dossier qui devront être vérifiés par le juge national que pour 25 des clients les plus importants de Post Danmark, environ deux tiers des envois ne pouvaient être transférés au concurrent Bring Citymail sans que ces clients perdent un avantage dans l’échelle des rabais, ce qui limite la liberté de choix des clients sur leurs sources d’approvisionnement. Compte tenu de la part de marché extrêmement importante de Post Danmark, il est particulièrement difficile pour un concurrent de surenchérir face à des rabais fondés sur un volume global.


Quant à la question de savoir si l’effet anticoncurrentiel d’un système de rabais doit être d’une part probable et d’autre part grave ou notable, la Cour répond que la démonstration d’un effet anticoncurrentiel potentiel de nature à évincer les concurrents suffit, sans avoir à justifier d’un seuil de sensibilité minimum.


Les entreprises dominantes doivent donc regarder à deux fois avant de mettre en place des systèmes de remises conditionnelles à un volume d’achat annuel et rétroactives.


Indices suffisants pour autoriser des visites et saisies sur la base de prix conseillés largement pratiqués par les distributeurs

Le 14 octobre 2015, la Cour de cassation a validé une ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la Direccte à effectuer des opérations de visites et de saisies (« OVS ») au sein de plusieurs enseignes de distribution.


A la suite du constat d’une application répandue de prix conseillés sur les produits de la marque Kärcher, la Direccte avait demandé au juge des libertés et de la détention (« JLD ») une autorisation d’OVS dans les locaux de certains distributeurs, en vue de rechercher des preuves de pratiques anticoncurrentielles.


L’ensemble des indices que la Direccte avait invoqués à l’époque pour présumer l’existence de pratiques anticoncurrentielles et pouvoir obtenir ainsi l’autorisation des OVS ont été jugés suffisants tant par le JLD que par la Cour d’appel de Bordeaux et maintenant confirmés par la Cour de cassation. Ces indices consistaient en (i) l’existence d’un prix de vente souhaité par le fournisseur et connu du distributeur, (ii) l’application significative par les distributeurs du prix conseillé, mise en évidence par un taux de suivi moyen de 97.94%, et (iii) l’existence d’une surveillance des prix conseillés par Kärcher parce que le consommateur devait retourner son ticket de caisse pour bénéficier de promotions.


Si les prix recommandés ne sont pas en soi illicites, leur suivi généralisé peut soulever des soupçons quant au fait qu’ils soient en réalité imposés. Le fournisseur et ses distributeurs doivent être prêts à des visites dans leurs locaux des services des autorités de concurrence, visites qui ne se limitent donc pas aux pratiques de cartel.


L’achat d’une entreprise ayant bénéficié d’une aide d’Etat ne prive pas la Commission de récupérer l’aide illégale


Dans son arrêt Electrabel du 1er octobre 2015, la Cour de Justice de l’Union Européenne a confirmé que l’achat d’une entreprise ayant bénéficié d’une aide d’Etat ne purge pas l’aide de son illégalité qui doit être remboursée.


Dans cette affaire, la société Dunamenti Eromu qui exploite une centrale électrique en Hongrie avait bénéficié en 1995 d’un accord d’achat d’électricité par l’opérateur public d’électricité à des conditions constitutives d’une aide d’Etat. Peu de temps après, la société est privatisée et est alors détenue à hauteur de 75% par Electrabel. La Commission européenne ordonne ensuite la récupération des aides d’Etat illégales obtenues notamment par Dunamenti Eromu.


La Cour confirme cette obligation de remboursement en rappelant que la récupération d’une aide illégale consiste à éliminer l’avantage dont l’entreprise a pu bénéficier par rapport à ses concurrents et ainsi éliminer la distorsion de concurrence. Cette obligation ne pèse pas sur l’acquéreur lorsqu’il a acquis l’entreprise à des conditions normales de marché dès lors que l’élément d’aide a été évalué au prix du marché et inclus dans le prix d’achat. Lorsque l’entreprise bénéficiaire de l’aide a conservé sa personnalité juridique, c’est à l’entreprise qui a conservé l’avantage concurrentiel qu’incombe l’obligation de rembourser l’aide.


En l’espèce, Dunamenti Eromu ayant gardé sa personnalité juridique, elle doit rembourser l’aide et sa privatisation ne saurait être interprétée comme ayant eu pour effet un tel remboursement.


Succès en demi-teinte pour une action en dommages et intérêts contre Orange pour pratiques anticoncurrentielles


Au début des années 2000, France Télécom (devenue Orange) détenait à elle seule l’entière maîtrise des infrastructures de télécommunication et avait également une activité de fournisseur d’accès à l’Internet.


C’est dans le cadre de l’ouverture à la concurrence sur le marché du haut débit que la société Subiteo a été créée en mai 2000 afin de fournir un accès haut débit à Internet. Néanmoins, pour entrer sur ce marché, il fallait souscrire aux offres de gros proposées par France Télécom, ce que la société Subiteo n’est pas parvenue à faire et s’est donc retirée du marché en 2001.


Estimant que France Télécom avait commis des pratiques anticoncurrentielles à son encontre, notamment en prenant délibérément du retard dans le déploiement de ses offres, Subiteo l’a assignée en responsabilité délictuelle devant les tribunaux.


A la suite d’une longue procédure, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur cette affaire le 2 octobre 2015 en donnant gain de cause à Subiteo car le retard imposé par France Télécom dans l’ouverture à la concurrence du marché de l’ADSL ne permettait pas à la candidate de patienter, en supportant des charges lourdes sans espoir de retour sur investissement dans un avenir proche.


La Cour d’appel a relevé que le préjudice subi par la société Subiteo s’analyse en (i) des investissements exposés en vain dans le cadre du projet, chiffrés par le juge sur la base des comptes de résultat et (ii) dans la perte de chance de réussir le projet, mais sans toutefois accepter la demande de Subiteo sur la perte des marchés qu’elle aurait pu remporter si elle avait mené à bien le projet en ce que cela comporte toujours un aléa. Le préjudice de Subiteo s’élève à 7 millions d’euros, conclut la Cour après 14 ans de procédure judiciaire, ce qui est une maigre victoire par rapport aux 117 millions d’euros réclamés.