Allo maman bobo je suis avocat : les 10 propositions pour l'insertion professionnelle des jeunes avocats

Allo maman bobo je suis avocat : les 10 propositions pour l'insertion professionnelle des jeunes avocats

L’insertion professionnelle des jeunes avocats est une épine dans le pied d’une profession au passé prestigieux. Nombreux sont ceux qui, débutant dans la profession, ne parviennent pas à trouver leur première collaboration. Nombreux sont également ceux qui, parvenant à trouver une première collaboration décident de ne pas poursuivre après seulement trois ans d’exercice. Milieu professionnel trop exigent, désillusion concernant la rémunération, manque d’indépendance, difficultés à conserver une vie privée… sont autant de raisons poussant les jeunes à emprunter un autre chemin que celui de l’avocature. 

 

Le nombre d’avocats ne cesse de croitre depuis dix ans, obligeant par ailleurs, les jeunes à voguer dans un univers ultra concurrentiel. La profession comptait 39 454 avocats en 2002, elle en compte aujourd’hui près de 57 000. Certaines régions manquent pourtant cruellement d’avocats, alors même que la capitale compte près de 27 000 robes noires. À nombre inadapté, formation inadaptée. La profession a de plus en plus de mal à organiser son propre enseignement. L’étude sur la formation des avocats réalisée par Carrières-Juridiques.com en 2014 l’illustre. Une grande majorité des élèves avocats regrettent une formation trop longue, incapable de préparer à l’insertion professionnelle. Ils sont malgré tout globalement confiants concernant l’avenir de leur carrière. (Retrouvez l'étude sur la formation des avocats).

Proposition n°1 : Enseigner aux jeunes avocats la vie dans un univers hyperconcurrentiel 

La situation économique actuelle ne facilite pas l’insertion professionnelle dans sa globalité. La profession d’avocat n’est pas étrangère à la tourmente. Les clients ne sonnent que très rarement aux portes des cabinets d’ avocats, si bien que ces derniers doivent aller « à la conquête » du marché. Cette réalité indéniable, tous les acteurs du droit que nous avons rencontrés nous l’ont rappelée. « Il est évident que la situation économique caractérisée par une absence de croissance impacte la profession d’avocat, comme elle impacte les autres professions libérales », nous explique Elizabeth Menesguen. De son côté, le directeur de l’EFB, Jean-Louis Scaringella met un point d’honneur à ne pas « cacher les difficultés du métier. Les cabinets sont des entreprises qui subissent elles aussi le sort de la crise ».

 

Si la réalité saute aux yeux pour certains, elle doit néanmoins être rappelée à ceux qui s’apprêtent à rentrer dans la profession. Un moyen d’éviter les déceptions. Comment accepter de rentrer dans un univers très concurrentiel, où trouver une collaboration peut être la croix et la bannière, après cinq années à la faculté, un voire plusieurs étés à réviser un examen difficile, et deux années à l’Ecole ? Tout à chacun a envie de voir une fin heureuse à ces années de formations. « La situation économique de notre société nous pousse à préparer la relève à exercer dans un univers difficile », nous explique Jean-Louis Scaringella. La conséquence logique de cette situation réside dans l’exigence croissante des cabinets envers les nouveaux arrivants dans la profession. « Les cabinets sont souvent plus exigeants envers leurs jeunes collaborateurs et recherchent que ceux-ci soient immédiatement opérationnels et rentables économiquement », complète Benoit Dumontet, le directeur de l’HEDAC.

 

Nombreux sont les jeunes qui arrivent dans la profession avec confiance, sans avoir pris conscience de cette réalité. « Certains élèves avocats n’ont pas conscience de la dureté du marché », confirme le directeur de l’EFB. Les avocats sont nombreux et les nouveaux arrivants se doivent de trouver des alternatives. Et celles-ci existent ! « Les sociétés se judiciarisent, elles vont avoir de plus en plus recours au droit (…) Le secteur est en croissance, les jeunes peuvent avoir confiance », nous explique d’ailleurs Jean-Michel Darrois.

Proposition n°2 : Proposer une formation personnalisée à taille humaine


Une formation de qualité est plus que jamais indispensable. La profession d’avocat est aujourd’hui extrêmement variée, si bien qu’une multitude de profils existent. Il est très difficile au stade de l’école de proposer aux jeunes, une formation adaptée aux différents profils. Pourtant, c’est la solution qui est mise en avant par l’Hedac, la haute école des avocats au conseil. Lorsque nous demandons à son directeur Benoit Dumontet, comment améliorer la formation, celui-ci nous explique que « la première des mesures est de tout faire pour que l’Hedac demeure une école à taille humaine permettant d’offrir un accompagnement personnalisé à chacun de nos élèves-avocats autour d’une formation de qualité et exigeante répondant aux besoins exprimés par la profession d’avocat ». Ainsi tout est mis en oeuvre pour que chaque élève avocat trouve sa voie, et s’oriente du mieux possible en fonction de ses ambitions.

 

Personnaliser davantage la formation des avocats permettrait d’éviter les erreurs d’orientation, si nombreuses. Cela passe aussi par une davantage d’écoute des jeunes avocats, par une meilleure représentation de ces derniers auprès de l’ordre.

Proposition n°3 : Encourager les expériences à l’international 


La maitrise de l’anglais n’est plus une simple option pour les avocats. Nul ne peut se présenter aux portes des cabinets de petite comme de plus grande taille, sans maitriser a minima la langue de Shakespeare. Pour les plus grands cabinets, une pratique quasi parfaite est indispensable. Les avocats expérimentés sont les premiers à le reconnaitre. « Une pratique approximative de l’anglais marginalise un candidat », nous expliquait Kami Haeri, associé du cabinet August & Debouzy.

 

Parce qu’il est central dans le processus de recrutement, l’anglais est au coeur des problématiques des Ecoles. Benoit Dumontet, le directeur de l’Hedac, nous confie en faire une préoccupation majeures. « La maitrise indispensable d’une langue étrangère est un des pôles sur lesquels nous axons notre formation. L’Hedac est d’ailleurs un centre administrateur du TOEIC ».

 

Malgré les efforts fournis par les écoles, le niveau d’anglais des candidats sur le marché de l’emploi reste souvent trop faible. Les jeunes souhaitant trouver une collaboration dans le secteur du droit des affaires, doivent impérativement se former à l’anglais. Parmi les différentes solutions envisageables, le LL.M.(1) semble être le gage le plus sûr d’une maitrise parfaite d’un candidat. « Il existe aujourd’hui plusieurs façons de se former à l’anglais, notamment avec les LL.M. », nous expliquait à ce titre Kami Haeri. En plus d’être une preuve de l’excellent niveau d’anglais, le LL.M. est aussi un enseignement riche permettant d’acquérir une certaine ouverture d’esprit et une vision différente des choses. C’est d’ailleurs le point de vue de Jean-Michel Darrois. « Aux Etats-Unis, les étudiants apprennent à se poser des questions, c’est essentiel et une qualité incontournable dans notre métier. C’est pourquoi, une formation juridique universitaire complétée par un LL.M. est également adaptée à la formation d’un avocat », analyse le fondateur du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier. Cette ouverture d’esprit retient également l’attention dans le recrutement au sein du cabinet August & Debouzy. « De façon générale, il faut arrêter de penser à un modèle unique de formation avec un cursus hiérarchisé », nous confie Kami Haeri. Enfin, l’anglais est également un prérequis indispensable à l’avocat qui souhaite se réorienter dans le monde de l’entreprise. La maîtrise courante d’une langue étrangère est une corde en plus à l’arc des avocats. Ces derniers auront tout intérêt à décaler leur entrée dans le monde professionnel dans cette optique en passant une année à l’étranger.

Proposition n°4 : Former les jeunes avocats au monde de l'entreprise 


L’avocat spécialisé en droit des affaires aura tout au long de sa carrière une cliente privilégiée : l’entreprise. Il doit donc impérativement en connaitre le fonctionnement et les arcanes. Cette réalité, la plupart des acteurs que nous avons rencontrés l’ont pointée du doigt. « Les jeunes avocats doivent avoir en tête que quatre ans après leur prestation de serment, 60 % d’entre eux réaliserons leur chiffre d’affaires avec les entreprises », nous explique Jean-Louis Scaringella. Ce lien étroit entre l’avocat et l’entreprise, Hervé Delannoy, directeur juridique du groupe Rallye, nous le confirme. « Il est évident que plus l’avocat est proche de l’entreprise, plus il développe son activité » nous explique-t-il. « Il est primordial que les jeunes aient des connaissances poussées concernant le fonctionnement des entreprises », nous confie enfin Jean-Michel Darrois, allant jusqu’à préciser privilégier les double cursus lors des recrutements.


À propos de l’avocat salarié en entreprise : le projet fait parler de lui depuis près d’un an. Il s’agissait de créer un statut de l’avocat en entreprise, bénéficiant des règles déontologiques de l’avocat et principalement le legal privilege la confidentialité des avis. Le statut, initialement prévu par le projet de loi Macron, a divisé les forces vives de la profession. Alors que l’ordre du barreau de Paris voyait le projet d’un œil favorable, le CNB s’y est largement opposé, craignant une atteinte à la saincro-sainte indépendance de l’avocat. Le statut a été finalement évincé du projet de loi Macron, tout comme la solution alternative de doter les juristes d’entreprises du legal privilege seul. Déçus, le Cercle Montesquieu et l’AFJE, voyaient dans ce statut, « une avancée majeure en faveur de la compétitivité des entreprises françaises »(2). Les deux organisations ont d’ailleurs demandé au début de l’année 2015, aux dirigeants d’entreprise, de s’engager à ne traiter qu’avec les avocats favorables au statut de l’avocat en entreprise. Si la pétition n’a pas eu d’impact concret, elle a néanmoins remportée l’adhésion de plus de 130 dirigeants (3).


→ Retrouvez l'interview de Jean-Louis Scaringella, directeur de l'EFB

Proposition n°5 : Considérer l’entreprise comme un vivier d’emploi


Au-delà de l’entreprise « client » de l’avocat, il est essentiel de soulever la problématique de l’entreprise comme « employeur » de l’avocat. Lorsque nous interrogeons des directeurs juridiques, ceux-ci nous expliquent qu’il n’y a qu’en France où l’avocat d’affaires et le juriste d’entreprise sont différenciés. Les deux faisant régulièrement le même travail, l’un dans l’entreprise, l’autre dans son cabinet. À la différence près, que les deux ne béné- ficient pas des mêmes règles déontologiques. Cette exception française crée des difficultés, puisque les juristes d’entreprises étrangers sont généralement avocats et bénéficient d’avantages propres, comme le legal privilege. Cette exception freine les entreprises dans leur volonté d’envoyer les jeunes juristes français à l’étranger. Certains groupes, comme Bombardier, ont d’ores et déjà choisi d’externaliser le traitement de certains dossiers. D’autres ont même décidé d’externaliser toute la direction juridique de l’entreprise. « Il est très facile d’externaliser la direction juridique, et cela se fera de plus en plus, si la situation n’évolue pas », s’inquiète Hervé Delannoy.

 

N’y a-t-il pas plus de différences entre un avocat d’affaires et un avocat pénaliste, qu’entre un avocat d’affaires et un juriste d’entreprise ? Pourquoi ne pas envisager de distinguer la profession à ce niveau précis ? S’il parait difficilement envisageable pour un avocat pénaliste, auxiliaire de justice et acteur dans la construction de l’Etat de droit, de se soumettre au monde de l’entreprise, l’avocat d’affaires est-il dans la même situation ? Il s’agirait alors de distinguer l’avocat plaidant et l’avocat non-plaidant, comme le font les anglo-saxons. Cette coupure permettrait certainement une ouverture du marché de l’emploi pour les avocats au sein de l’entreprise.

Proposition n°6 : Eviter les spécialisations prématurées


Certains jeunes avocats se lancent tôt dans des carrières très spécialisées. Cette solution est parfois bénéfique, mais elle aussi et souvent empruntée pour de mauvaises raisons (une rémunération plus élevée, un sentiment que le secteur sera plus porteur, une volonté d’expérience à tout prix…).

 

Les acteurs du droit sont dubitatifs quant à une spécialisation prématurée. « C’est un concept très français. En règle générale, elle est dommageable pour les jeunes et les cabinets », nous explique Jean-Michel Darrois. Encourager les jeunes à se spécialiser le plus tard possible leur permettrait donc d’avoir plus d’opportunités dans leurs recherches d’emploi. Pour Elizabeth Menesguen. « Certains jeunes avocats ont pu découvrir un appétit particulier pour tel ou tel domaine du droit et ils axent tout naturellement leur recherches vers des cabinets spécialisés. Cela peut parfois faire obstacle à la recherche fructueuse d’une première collaboration. »

 

En retardant leur spécialisation, les jeunes avocats évitent de se fermer des voies professionnelles, et de planifier trop à l’avance une carrière préconçue, voire imaginaire « Il est dommage de voir certains jeunes choisir pour les premières années de leurs carrières un secteur, un type d’exercice, qui ne leur convient pas, uniquement parce qu’ils estiment qu’il est plus valorisant aux yeux d’autrui, plus stratégique ou plus rémunérateur », nous expliquait Kami Haeri, qui partage le sentiment de Jean-Michel Darrois. Celui-ci s’attache néanmoins à rappeler aux jeunes avocats de faire ce qu’ils souhaitent faire. « S’ils savent ce qu’ils aiment et souhaiteront faire plus tard, pourquoi ne pas commencer tout de suite? Certains avocats connaissent nécessairement des débuts difficiles avec des résultats peu gratifiants d’un point de vue financier, mais si c’est leur passion, ce qui les anime, alors je pense que nous devons les encourager, les soutenir, afin qu’ils s’accrochent ». Le juste milieu est donc à définir par chacun, en conscience et en fonction de ses propres aspirations.


→ Retrouvez l'interview de Jean-Michel Darrois, associé fondateur du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier. 

Proposition n°7 : Inciter les jeunes à se réapproprier les territoires désertés 


La région parisienne regroupe la moitié des avocats de France. La situation est donc claire : il y a beaucoup d’avocats à Paris. Certains parlent même d’une saturation d’avocats dans la capitale, si bien qu’il n’y a plus de place pour tous les nouveaux arrivants dans la profession. « Il n’y a pas trop d’avocats en France, il y en a surement trop à Paris. Or le besoin de droit est partout et il importe que nos jeunes avocats s’approprient les territoires désertés », nous explique Elizabeth Menesguen. Preuve à l’appui : plusieurs régions ne comptent qu’une quinzaine d’avocats pour 100 000 habitants.

 

Comment contrer cette concentration parisienne ? Pour Kami Haeri, il est impensable de demander au barreau de Paris de se délester pour remplir les zones où il n’y a pas suffisamment d’avocats. « Quoi qu’il arrive, c’est à ces zones de créer de l’attractivité », rappelle l’associé du cabinet August & Debouzy. Par ailleurs, il est difficile de demander à l’Ecole de formation du barreau de Paris, financée par ce dernier, d’inciter les jeunes à partir vers la province. « Nous devons multiplier les échanges avec les autres barreaux de France » nous indique pourtant le bâ- tonnier Pierre-Olivier Sur.

 

Le rôle central autour de cette problématique revient au CNB. C’est à lui d’encourager les jeunes à bouger vers la province, notamment par une nouvelle organisation du territoire. À ce titre, une des réponses envisagées par Kami Haeri est l’instauration de la multipostulation sur tout le territoire et la création de barreaux de région. Ce qui reviendrait à supprimer les 161 barreaux pour n’en avoir que vingt-et-un (proposition n°8).


→ Retrouvez l'interview d'Elizabeth Menesguen, Présidente de la commission formation au CNB. 

Proposition n°8 : Supprimer la postulation et créer des barreaux de région


L’hyper concentration parisienne est une problématique majeure dans l’insertion professionnelle des jeunes avocats. Ils sont nombreux à craindre de s’enfermer dans un périmètre trop restreint à une petite région de province, pauvre en affaires. À cette problématique, Kami Haeri a une ré- ponse très concrète : instaurer des barreaux de région. Cela reviendrait à supprimer les 161 barreaux pour n’en avoir plus que vingt-et-un. « Les avocats membres de ces barreaux auraient un sentiment d’appartenance plus large. Cela encouragerait peut-être les jeunes à quitter Paris ». Les avocats seraient ainsi limités à un périmètre plus large.

 

Dans cette même optique et afin d’aller encore plus loin, Kami Haeri suggère une suppression de la postulation. La multipostulation permettrait également aux jeunes avocats de ne plus craindre de quitter la capitale pour la province.

 

Créatrice d’inégalité, la postulation connait des dérogations. Certains avocats peuvent postuler au-delà de leur territoire, c’est le cas des avocats inscrits aux barreaux de Paris, Nantes, Bobigny et Créteil. Ce qui creuse encore un peu plus l’écart entre les avocats parisiens et les autres. Nombreux sont les partisans d’une multipostulation généralisée sur tout le territoire. Hubert Flichy et Antoine Genty dans un article titré « la multipostulation pour tous »(4) , s’y montrent largement favorables « Il apparait souhaitable de généraliser la multipostulation, en laissant libres les confrères de faire appel à des correspondants s’ils le jugent nécessaire » analysent les deux experts. La bureautique actuelle, les nouveaux moyens de communication entre parties et avec les magistrats, l’incompréhension du justiciable, le coût de la postulation, sont autant d’arguments en faveur de la modification des règles de la postulation. Une évolution dans ce sens est d’ores et déjà en marche. Le projet de loi dit « Macron » pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques élargit le périmètre de la postulation. Il prévoit que les avocats puissent à l’avenir « postuler devant l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle » (5).

Proposition n°9 : Créer du lien intergénérationnel 


Si les premiers pas dans la professions sont pour certains difficiles, prenants et angoissants, ils sont loin d’être insurmontables. Il appartient à ceux, ayant emprunté ce chemin sinueux il y a quelques années, de rassurer les nouveaux arrivants. « C’est à nous les aînés, de travailler pour éduquer les mentalités des plus jeunes et les aider à être plus sereins », nous explique Kami Haeri.


C’est en ce lien entre jeunes avocats et avocats plus expérimentés, que Laurence Junod Fanget, bâtonnier désigné du barreau de Lyon voit une solution efficace pour l’insertion professionnelle des jeunes avocats. Il s’agirait alors d’accompagner concrètement les jeunes dans l’ouverture de leur nouvelle structure. « Ils seraient alors suivis par un avocat référent membre de l’ordre, apte à les former et à répondre à leurs questions », nous expliquait le bâtonnier du second barreau de France.

 

Cette solution a déjà été envisagée à Paris, «tous les avocats du barreau de Paris ont un membre du conseil de l’Ordre référent qui est à leur disposition pour les aider à chaque étape de leur parcours professionnel » nous explique Pierre-Olivier Sur le bâtonnier du barreau de Paris. Le conseil de l’ordre étant composé de quarante-deux membres, et le barreau de Paris de près de 27 000 avocat, chaque membre de l’ordre est « référent » de plus de 600 avocats…. Impossible ainsi d’imaginer le moindre lien possible entre les jeunes et ces membres de l’ordre parfois déconnectés de leur réalité. L’initiative pour rapprocher les générations reste néanmoins à souligner.


→ Retrouvez l'interview de Kami Haeri, associé du cabinet August & Debouzy

Proposition n°10 : encourager l’utilisation des moyens de communication 


C’est la loi dite « Hamon » du 17 mars 2014 et son décret d’application du 28 octobre 2014 qui a libéralisé la possibilité pour les avocats de faire de la publicité. La pratique est pourtant autorisée depuis 1991. Toute la profession ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée de cette opportunité. Certains craignent que les avocats les plus modestes ne disparaissent derrière les grands cabinets de renommée mondiale disposant de budgets conséquents quant à leur communication. C’est un fait : de plus en plus de cabinets s’équipent en communication en interne via des responsables de la communication, ou en externe en faisant appel à des agences de communication spécialisées pour la profession.

 

Pour Kami Haeri, les jeunes avocats ont aujourd’hui la chance de vivre à l’heure du numérique. « Les nouveaux outils de développement dont disposent les jeunes avocats sont moins coûteux qu’avant », nous explique l’avocat. Parmi ces outils de développement, on retrouve les réseaux sociaux. S’ils ont l’inconvénient d’être chronophages, ils sont gratuits et efficaces pour se faire connaitre et fédérer une communauté autour de son activité. Pour Cyril Chassaing, associé du cabinet de conseil en stratégies et communication spécialisée dans les métiers du conseil, Enderyby, « beaucoup d’avocats sous-estiment le rôle de la communication dans leur business développement ». Avant de précise être de plus en plus « amené à leur faire comprendre la nécessité de s’investir dans les réseaux sociaux ». Certains avocats reconnaissent même conquérir des nouveaux clients grâce à la « twittosphère ». Un bon exemple d’action pour la conquête de nouveaux marchés.

 

Il est donc fondamental d’enseigner les bases de la communication comme du marketing 2.0 aux jeunes avocats encore trop peu formés en la matière. Que ce soit dès la formation initiale par leur passage à l’EFB ou par des modules de formation continue, les jeunes avocats doivent prendre conscience que la communication autour de leur activité n’est plus simplement facultative. Elle est un véritable moyen de se faire connaitre, que ce soit dans l’optique d’attirer de nouveaux clients comme de trouver une collaboration.

Conclusion 


La profession d’avocat est en pleine évolution. Le nouveau « marché du droit » l’oblige à exister dans un univers hyperconcurrentiel, où les jeunes rencontrent de plus en plus de de difficultés à trouver leur première collaboration, et à développer leur propre clientèle. Le nombre croissant d’avocats depuis dix ans n’est pas étranger à la problématique, mais n’est pas le seul facteur.

 

La formation doit jouer un rôle central dans l’accompagnement des jeunes avocats quant à leur insertion professionnelle. Celle-ci ne doit plus seulement leur inculquer les règles élémentaires de déontologie et de procédure. Elle doit être en mesure de leur donner les moyens de vivre dans un univers économique difficile et hyperconcurrentiel. Elle doit d’une part replacer l’entreprise au centre de la problématique. Pour beaucoup, celle-ci jouera un rôle majeur dans leur carrière. Nul avocat ne doit ignorer les arcanes du fonctionnement de l’entreprise en sortant de l’Ecole. Elle doit d’autre part apprendre aux avocats de demain à être de vrais entrepreneurs. Cela passe par l’enseignement de la comptabilité, des ressources humaines, mais également de la communication.

 

Les jeunes avocats doivent avoir en tête qu’ils devront passer par la case communication et marketing pour faire connaitre leur activité. L’école doit leur apprendre à envisager les outils de communication et de marketing, qui sont aujourd’hui plus que jamais placés sous le signe du numérique. Les avocats « seniors » ont également leur rôle à jouer. Ces derniers doivent prendre en charge les plus jeunes pour leur apporter plus de soutien, et leur expliquer la réalité « terrain » du métier.

 

Enfin, si le nombre n’est qu’un facteur de la problématique, il est aujourd’hui indispensable de réfléchir à une meilleure organisation du territoire. Une réforme efficace de la postulation et des différents barreaux permettrait de rééquilibre l’exercice de la profession sur tout le territoire et de désengorger la capitale.

 

La situation est plus difficile pour les jeunes avocats arrivant aujourd’hui dans la profession. Des solutions existent néanmoins et méritent d’être envisagées. C’est ce que Carrières-Juridiques.com a tenté de démonter en réalisant cette enquête.



Enquête réalisée par Capucine Coquand 

@CapucineCoquand


(1) : Plus d'informations sur les LL.M. sur FindYourLLM. com.

(2) : Communiqué de presse du Cercle Montesquieu 10 décembre. 

(3) : Interview de Stéphanie Fougou, présidente de l’AFJE, par le Magazine Décideurs, le 20 avril 2014. www.magazine-decideurs.com/news/stephanie-fougou-nous-necherchons-pas-le-soutien-des-entreprises-nou....

(4) : H. Flichy et A.Genty, La multipostulation pour tous, Gazette du palais édition professionnelle n°94 à 95, 4,5 avril 2014 http://www.flichygrange.com/wp-content/uploads/2014/05/articledHubert-Multipostulation-1515_001.pdf

(5) : Article 13 du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.