Slovaquie : une avocate devient présidente

Slovaquie : une avocate devient présidente

Avant de remporter l’élection présidentielle en Slovaquie, Zuzana Čaputová a gagné un combat pour l’environnement à un million de dollars. Le couronnement de cette avocate militante est le symbole d’un besoin de féminisation et de transparence de la vie politique.

Le 15 juin prochain, Zuzana Čaputová prêtera serment devant le peuple slovaque qui l’a élue à la tête de l’État le 30 mars dernier. L’avocate de 45 ans, mère de deux enfants et divorcée, a séduit parce qu’elle est novice en politique et engagée dans des combats citoyens. Avec 58 % des voies, elle a battu son rival Maros Sefcovic, commissaire européen soutenu par le pouvoir actuel. Le perdant, tentant de faire bonne figure, s’est immédiatement incliné : « Je viens d’appeler Zuzana Čaputová pour la féliciter de sa victoire. Je lui envoie un bouquet de fleurs parce que la première femme présidente de la Slovaquie mérite un bouquet », a-t-il déclaré le soir du second tour.

 

David face à Goliath

Sauf qu’il y a fort à parier que cette femme de poigne attende autre chose que des fleurs. Elle a fait campagne sur son engagement pour la transparence dans la vie politique, la fin de la corruption dans son pays, une politique de protection du climat et de la Terre, la disparition des inégalités et la parité femme/homme. Ce pays conservateur a porté à sa tête une pro mariage gay et adoption par des couples homosexuels. Son expérience a prouvé qu’elle était capable de faire bouger les lignes. Exerçant dans son propre cabinet d’avocats, celle qui a fait son droit à l’université Comenius a rejoint l’association de défense des droits Via Luris dès la fin de son cursus. Son plus grand combat : sa lutte publique et juridique pour la suppression de la décharge publique de Pezinok. Car cette native de Bratislava a installé sa famille dans un appartement limitrophe de cet espace qui s’étend sur douze terrains de football. Elle ne peut pas ouvrir les fenêtres en raison des odeurs. Inspirée, dit-elle, à la fois par le livre de Gandhi et par le parcours de l’ancien président tchécoslovaque Václav Havel, elle s’est muée en David face à Goliath. Durant quatorze ans, elle a enchaîné les procédures judiciaires, les contestations administratives, commandé des études scientifiques, réussissant à prouver le lien de cause à effet entre la présence des déchets et le fort taux de maladie des habitants de la région. Elle cherche alors l’aval populaire et l’obtient en organisant le plus grand soulèvement du pays depuis la révolution de 1989 visant à renverser le régime communiste en Tchécoslovaquie. S’ensuit en 2013 une victoire judiciaire : la cour suprême slovaque annule le permis de construire de la décharge.

Et au-delà de ses victoires locale et nationale, celle qui est surnommée la « Erin Brockovich » de Slovaquie parvient à faire évoluer la législation européenne grâce à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui imposera des règles de consultation lors de l’établissement de projets d’urbanisme. Son travail lui vaudra de remporter en 2016 le prix Goldman, souvent qualifié de Nobel de l’environnement, et d’être alors reçue à la Maison Blanche.

 

« Empêcher le mal, ensemble nous le ferons »

De la protection de l’environnement à la transparence de la vie politique, il n’y a qu’un pas. La juriste fait maintenant partie des chefs d’État. Elle dirigera un pays nécrosé par la corruption, révélée notamment par la publication d’une enquête réalisée par le journaliste Jan Kuciak postérieurement à son assassinat. Alors que le tueur présumé vient tout juste d’être inculpé par la justice slovaque, Zuzana Čaputová a été élue sur une campagne de nettoyage des arcanes de l’État. Son slogan électoral : « Empêcher le mal, ensemble nous le ferons ».

Elle devient dès lors le symbole de la puissance d’une femme appelée à sauver toute une nation. La version féminine du mythe de l’homme providentiel. Un courant nouveau qui s’exprime notamment en Afrique. Avant elle, la diplomate Sahle-Work Zewde, l’aînée d’une fratrie de quatre sœurs, est devenue présidente de la République d’Éthiopie le 2 avril 2018. Son arrivée au pouvoir a permis de diffuser un message clair : l’égalité sociale passe par un bouleversement politique dont le principal élément est l’arrivée de femmes aux plus hauts niveaux décisionnels. L’Éthiopie a en effet instauré la parité au sein de son gouvernement, de sa cour suprême et à l’assemblée législative. Zuzana Čaputová est désormais le deuxième exemple de transformation de la vie politique par l’arrivée d’une femme à la tête d’un État. Pourvu que la liste s’allonge.