Droit de réponse de Gregoire Lafarge

Droit de réponse de Gregoire Lafarge

Suite à l'article "Voile et port de la robe d'avocat : un compromis impossible ?" publié sur Carrières-Juridiques.com le 26 janvier dernier, Maitre Gregoire Lafarge a souhaité exercer son droit de réponse.

« Mademoiselle, accepteriez-vous l’idée de… »

 

Le 16 janvier 2015, au début d’un cours que je dispense à l’école de formation des avocats de Paris, je n’ai pu prononcer un seul mot de plus…

 

Comme à chaque fois qu’un élève avocat porte à l’Ecole un signe ostentatoire religieux quel qu’il soit (voile, foulard, kippa ou autre), j’ai voulu demander, assis derrière ma table et très courtoisement, à une étudiante portant un voile, si elle accepterait l’idée de l’ôter.

 

Et quelle que soit la réponse, j’aurais fait mon cours, comme toujours.

 

« Mademoiselle, accepteriez-vous l’idée de… »

 

Une autre élève m’a alors apostrophé très brutalement dans les termes suivants : « Ne finissez même pas votre phrase, vous n’avez pas intérêt, on n’a jamais entendu ça de la part d’un intervenant ».

 

D’autres élèves avocats, minoritaires mais solidaires, encourageant cette apostrophe, j’ai alors indiqué que je quittais la salle, refusant de donner un enseignement dans ces conditions et une autre étudiante a alors cru bon d’ajouter : « C’est ça cassez-vous, on ne veut plus vous voir ».

 

Je suis sorti, en colère, et pour tout dire, profondément déçu par de tels comportements.

 

A la demande d’un étudiant, je suis revenu expliquer à mon auditoire, pendant dix minutes – et avec tout mon cœur d’avocat - les raisons pour lesquelles je pensais que le seul signe distinctif de l’avocat était une robe sacrée, noire et blanche, qu’ils allaient, eux aussi, revêtir bientôt :

 

   -     Avocat, à l’aide et au secours de tous, avocat, libre de toutes contraintes, pour être libre de défendre celui ou celle qui nous le demande, le pauvre ou le riche, la victime ou le criminel, l’homme politique ou celui de la rue.

 

   -   Libre, y compris de soi-même, pour pouvoir dire tout ce qui doit être dit dans l’intérêt de ceux qui nous chargent de leur défense.

 

   -    Notre seule arme c’est la parole, et notre seul vêtement une robe, pour nous donner le courage de ne pas avoir peur, la force de ne pas être faible, l’audace, même de l’insolence.

 

   -   Et enfin, avec une infinie tristesse - car j’y assure ce cours depuis dix ans - j’ai indiqué qu’il n’était plus question pour moi de venir enseigner à l’Ecole de Formation du Barreau, puisque l’esprit de liberté n’y régnait plus.

 

Certains étudiants ont alors souhaité me poser quelques questions.

 

Trois questions plus tard, un élève particulièrement vindicatif m’a indiqué que je n’avais pas le droit de parler de la sorte, que j’avais stigmatisé la religion de cette jeune femme – ce que je n’ai jamais fait - que l’Ecole n’était pas un Palais de Justice, qu’on y était libre et qu’on y faisait ce qu’on voulait.

 

Le reste, un manteau, une écharpe, une veste et les boutons d’une chemise – rien d’autre – n’appartient qu’à l’exaspération, la tristesse et la dérision…

 

En somme, la réalité est très éloignée de ce qui a été publié et colporté.

 

Enfin, et parce qu’ils vont exercer une magnifique profession, je souhaite à tous les élèves de la promotion Henri Leclerc de devenir, comme lui, de beaux avocats, fiers, forts et libres.

 

 

 

Grégoire LAFARGE