Nicolas Leregle : « Une inversion des fonctions permet d'éviter les querelles d'égaux »

Nicolas Leregle : « Une inversion des fonctions permet d'éviter les querelles d'égaux »

L’un est bâtonnier la première moitié du mandat, l’autre, la seconde. C’est ce que promettent les candidats au bâtonnat fraichement déclarés, Nicolas Leregle et Nathalie Attias. Clarification des rôles du vice bâtonnier, labélisation des cabinets d’expertise comptable, centre de documentation… sont autant de points clefs tenant au programme « Leregle/Attias ». Ces propositions, dont l’aspect concret est indéniable, viendraient-elles pallier le peu d’expérience ordinale des deux candidats ? C’est sous la verrière du Grand Hotel que Nicolas Leregle et Nathalie Attias ont accepté de répondre à nos questions. 

Carrières-Juridiques.com. Un des points principaux de votre campagne consiste à inverser à mi-mandat, les fonctions de bâtonnier et vice-bâtonnier. Pouvez-vous nous en dire plus ?


Nicolas Leregle. De façon très concrète, si nous sommes élus, je serai bâtonnier la première moitié du mandat, alors que Nathalie sera vice-bâtonnier, et nous permuterons pour la suite du mandat. Une inversion des fonctions permet d’éviter aussi bien les querelles d’égaux, que les frustrations des uns ou des autres. D’autant plus que l’ordre ne repose pas uniquement sur le bâtonnier et le vice-bâtonnier. Il ne faut pas oublier que le conseil de l’ordre fait un grand travail. Je pense qu’il faut plus voir l’ordre comme une entreprise. 


Nathalie Attias. En faisant le constat des différents duos de bâtonniers et vice-bâtonniers qui nous ont représentés ces dernières années, nous pensons qu’en plus d’une inversion des deux fonctions, il est nécessaire de déterminer des périmètres d’action pour chacune d’elles. Le bâtonnier ne peut pas tout faire, le vice-bâtonnier doit se charger de la gestion courante de l’ordre, de ses aspects fonctionnels. Il gérerait donc l’EFB, l’ANAAFA, CARPA…etc.


C-J.com. Quels sont les autres points clefs de votre campagne ?


N. A. En ce qui concerne les questions de fond, nous souhaitons apporter des solutions concrètes. La première d’entre elles serait la création d’un système de labélisation des cabinets d’expertise comptable. Nous souhaitons proposer à ces derniers de s’engager à ne pas délivrer de conseil juridique en échange de quoi, nous, avocats, nous nous engageons à diriger nos clients ayant besoin des compétences d’un professionnel du chiffre, vers ces cabinets. C’est une solution « gagnant-gagnant » pour les deux professions.


N. L. Une autre proposition concrète consiste à faciliter l’accès à la profession des jeunes diplômés de l’EFB. Nous sommes partis de deux constats. D’un côté, beaucoup de jeunes avocats quittent la profession trois ans seulement après être sortis de l’école. De l’autre, un grand nombre d’avocats en fin de carrière rencontrent des difficultés à céder leur cabinet. Il s’agit donc de faciliter l’insertion des jeunes tout en aidant les avocats en fin de carrière à valoriser leur cabinet. Nous proposons la mise en place d’une procédure de transmission de cabinet échelonnée sur un à cinq ans. A l’issu de cette période, le jeune avocat peut choisir d’exercer ou non son droit d’achat. Pour se faire nous mettrions en place un moyen de recenser les avocats souhaitant prendre leur retraite. Cette solution viendrait en aide aux jeunes d’une part, et permettrait une revalorisation du fonds de commerce de nos confrères en fin de carrière d’autre part.


N. A. Nous avons d’autres propositions plus minimes, mais qui ont leur importance. Parmi elles, nous souhaitons faciliter l’accès de nos confrères à la documentation. Nous pensons que l’ordre doit pouvoir offrir un centre de documentation complet. Nous souhaitons également que les commissions puissent choisir démocratiquement leur président, plutôt que celui-ci soit nommé par le bâtonnier. Ce dernier désignera simplement un secrétaire général s’assurant du bon fonctionnement de la commission.


C-J.com. Vous êtes un peu moins connus que vos adversaires. Pouvez-vous nous retracer vos deux parcours ?


N. A. J’ai pour ma part prêté serment en janvier 1989 et me suis installée en 1994 pour exercer en droit social. Nous sommes associés avec Nicolas depuis trois ans. Je suis engagée dans des campagnes de bâtonnat depuis plus de vingt ans. Je n’ai pas souhaité me présenter plus tôt pour préserver ma vie familiale. Aujourd’hui que mes enfants sont plus grands, je peux consacrer plus de temps à la représentation de mes confrères.


N. L. J’ai un parcours un peu particulier puisque je n’ai prêté serment qu’en 2004. Avant d’être avocat j’ai été journaliste puis directeur juridique. Je connais bien les institutions, puisque j’ai participé à la campagne de Christiane Féral-Schuhl. En 2012, j’ai été nommé délégué en charge de l’intelligence économique dans le cadre de la convention entre le barreau de Paris et la délégation interministérielle à l’intelligence économique. J’ai également eu l’occasion d’enseigner à l’EFB dans le cadre du cours portant sur l’avocat mandataire en transaction immobilière.


C-J.com. Votre candidature est tardive. Avez-vous envisagé de rejoindre une équipe déjà constituée ?  Cette candidature est-elle une simple candidature d’opposition ?


N. L. La campagne a commencé pour certaines équipes, en janvier 2014. En l’espace d’un an, nous n’avons entendu aucune proposition, et bien trop de généralités. Nous voulons soumettre à nos confrères des solutions concrètes. C’est pourquoi nous n’avons à aucun moment envisagé de rejoindre une des équipes déjà en lice. Notre candidature n’est pas une candidature d’opposition.


N. A. Ce qui a également motivé notre candidature, c’est le désintérêt de la moitié de notre barreau pour l’élection. L’abstention de nos confrères s’explique par deux séries de reproches. Les avocats parisiens ne se sentent pas représentés par les membres de l’ordre. Être bâtonnier ou membre de l’ordre est aujourd’hui un plan de carrière. Le bâtonnier doit être l’avocat le plus à même de représenter ses confrères et non celui qui a gravi le plus d’échelons. Le deuxième reproche que nous entendons de la part de nos confrères, c’est un discours trop généraliste de nos représentants et une absence de mesures concrètes.


N. L. La plupart des candidats en lice ne pensent qu’aux cabinets d’affaires, alors que sur les 27 000 avocats parisiens, 20 000 exercent à titre individuel. Les instances représentatives manquent de projets concrets. Je repense notamment à la Centrale d’achat « Praeferentia», créée par Christiane Féral-Schuhl. C’est une mesure concrète qui soulage réellement les cabinets en situation précaire. C’est ce genre de solutions que nous souhaitons défendre et mettre en œuvre.


C-J.com. Votre candidature n’est donc pas une opposition à la candidature de Laurent Martinet ?


N. A. La candidature de Laurent Martinet a été un des facteurs déclencheurs. Globalement, nous trouvons qu’il s’agit d’une candidature inélégante. Un roulement est nécessaire pour permettre aux représentants d’être en prise avec la réalité de la profession.


C-J.com. Qu’avez-vous envie de dire aux jeunes qui se désintéressent totalement de l’ordre et qui n’envisagent même pas d’aller voter ?


N. L. Il faut avoir confiance. Le droit est omniprésent et ne cesse de se répandre dans notre société. Il existe un vrai besoin d’avocats, de personnes indépendantes capables de délivrer des conseils. Les cours concernant les nouveaux métiers de l’avocat, tels que l’avocat agent sportif, ou l’avocat mandataire en transaction immobilière sont encore trop peu nombreux à l’EFB. A titre d’exemple, il n’y a aujourd’hui que 200 mandataires en transaction immobilière à Paris. Il y en a bien plus en Angleterre. Il est essentiel de former les jeunes à ces nouveaux pans de notre profession.


N. A. La meilleure façon de convaincre les jeunes d’aller voter c’est de leur proposer des solutions concrètes et efficaces. C’est ce que nous nous efforçons de faire, notamment avec nos solutions concernant l’insertion professionnelle.



Retrouvez le programme des candidats Leregle/Attias sur leur site officiel



Propos recueillis par Capucine Coquand