Laurent Martinet : « Je me sens responsable des engagements pris »

Laurent Martinet : « Je me sens responsable des engagements pris »

Il est des habitudes qui ont la vie dure. La pratique veut qu’un vice-bâtonnier ne puisse se présenter au bâtonnat, surtout quand celui-ci est initiateur d’une modification du calendrier électoral qui, volontairement ou non, lui est favorable. Lettre ouverte hargneuse d’anciens bâtonniers, tribunes virulentes de la part des autres candidats, la candidature de Laurent Martinet et Marie-Alix Canu-Bernard dérange les esprits ordinaux. Aucun texte ni aucun principe fondamental n’empêche pourtant le vice-bâtonnier de se présenter au bâtonnat. Les deux candidats déclarés depuis le 17 mars dernier ont accepté de nous recevoir et de répondre à nos questions. 

Carrières-Juridiques.com. Comprenez-vous les différents commentaires cinglants à propos de votre candidature ?


Laurent Martinet. Je suis attristé de ces querelles politiques qui ne concernent que les candidats et pas les 27 000 avocats que nous devons représenter. Personnellement, je me sens responsable des engagements pris ces deux dernières années. Je constate par ailleurs que les critiques ne concernent ni mon bilan, ni ma capacité à faire, ni notre programme.


Marie-Alix Canu-Bernard. Les usages de notre barreau sont parfois poussiéreux. Beaucoup de nos confères se montrent conservateurs lorsqu’il s’agit de bousculer l’ordre établi. Certaines figures de notre barreau comme Madame le bâtonnier Christiane Feral-Schuhl, sont néanmoins favorables sur le principe, à la candidature d’un vice-bâtonnier. D’autres critiquent la candidature de Laurent dans le seul but de défendre celle dans laquelle ils sont engagés.


C-J.com. Certains vous accusent d’avoir modifié le calendrier électoral pour pouvoir vous présenter. Depuis combien de temps avez-vous en tête l’idée d'être candidat au bâtonnat ?


L. M. Ma candidature est la résultante de deux éléments. Le premier est ma rencontre avec Marie-Alix au tout début de l’année 2015. Nous formons un duo parfaitement complémentaire puisqu’elle est pénaliste là où j’interviens en droit des affaires et elle exerce à titre individuelle alors que j’exerce en tant qu’associé au sein d’un cabinet d’affaires. Le second élément, c’est la réunion de la profession en décembre dernier. Nous avons réussi, avec le CNB et la conférence des bâtonniers, à nous exprimer d’une seule voie alors même que la profession était à feu et à sang. J’ai réalisé qu’en travaillant ensemble nous pouvions réaliser des choses indispensables pour notre profession.


M.-A. C.-B. Nous souhaitons que cette dynamique continue. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette élection a du sens aujourd’hui et non dans deux ans. Cette candidature n’était pas préméditée, c’est avant tout le fruit d’une rencontre et d’une envie commune.  


L. M. Concernant le changement de date des élections, nous nous étions engagés il y a deux ans, lors de notre campagne à réduire le dauphinat et à supprimer le vote de confirmation. Ces points ont fait l’objet d’un vote du conseil de l’ordre. Le 4 juillet 2014, le CNB a décidé que la durée du dauphinat ne pouvait être inférieure à six mois. Je suis donc revenu devant le conseil de l’ordre en demandant le respect des six mois de dauphinat imposés par le CNB, ce qui induisait naturellement des élections en juin 2015. La modification du calendrier n’a jamais été une manœuvre pour me permettre d’être candidat, elle est la résultante des promesses de campagne sur lesquelles nous avons été élus.


C-J.com. D’autres estiment que vous auriez dû démissionner pour faire campagne... Les avocats parisiens peuvent-ils craindre que celle-ci soit indirectement financée par leur cotisation à l’ordre ?


M.-A. C.-B. Nous avons réfléchi ensemble à une potentielle démission de Laurent, mais nous avons rapidement écarté l’idée car cela reviendrait à fragiliser la fonction.


L. M. Démissionner aurait voulu dire pratiquer une politique de la « chaise vide ». Cela aurait été en parfaite contradiction avec le programme que nous portons aujourd’hui. Concernant le financement de la campagne, j’ai annoncé devant le conseil de l’ordre, lorsque je me suis présenté comme candidat, que je renonçais à l’intégralité des avantages financiers et techniques liés à ma fonction, dans un souci de transparence. Il n’y a donc aucun conflit d’intérêt à ce niveau. Beaucoup pensent qu’il y a une zone d’ombre concernant l’indemnisation du bâtonnier et du vice-bâtonnier. Ces émoluments sont pourtant totalement transparents et sont publiés. Un vice-bâtonnier perçoit une indemnité de 7500 euros hors taxes par mois. Nous avons d’ailleurs mis en place au sein de l’ordre une commission transparence et contrôle des coûts, dont sont membre plusieurs de nos détracteurs…


C-J.com. Quels seront vos principaux objectifs si vous êtes élus à l’issue des 23 et 25 juin prochains ?


M.-A. C.-B. Nous voulons des avocats forts et un ordre protecteur. Pour cela, l’ordre doit être accessible, efficace. Il est temps d’innover. Notre priorité sera fondée sur l’accompagnement des projets innovants, notamment dans la continuité de ce qui a été fait avec le barreau entrepreneurial, mais aussi des confrères en difficulté.


L. M. Nous souhaitons poursuivre les grands chantiers qui ont été initiés ces deux dernières années. Dans cette optique, nous voulons inscrire dans la durée l’unification des instances représentatives de notre profession. Nous sommes désormais capables de travailler de concert avec le CNB et la conférence des bâtonniers. C’est ce que nous avons fait par la rédaction d’amendements communs concernant spécifiquement notre situation vis-à-vis des experts comptables que nous avons présentés ensemble à Emmanuel Macron jeudi dernier. Cette union est nouvelle et fragile. Nous devons tout faire pour la préserver, car je suis persuadé que les grandes batailles doivent être menées de front, ensemble.


C-J.com. Vous dites vouloir conserver la continuité au sein de l’ordre. D’autres candidats souhaitent également cette continuité. Avez-vous envisagé de rejoindre leurs équipes ?


L.M. Je ne me reconnais pas pleinement dans les équipes déjà en lice, pas plus que je ne souhaite participer une campagne qui a une vision politique de la fonction. Il serait tellement dommage de revenir sur certaines avancées fondamentales pour notre profession, comme le veulent certains candidats. Enfin, je pense qu’il faut une expérience au sein du conseil de l’ordre pour prétendre à la fonction de bâtonnier.


M-A. C-B. Nous ne retrouvons notre programme dans aucune des équipes déjà constituées. Certains pensent qu’il s’agit d’un excès d’orgueil de la part de Laurent, mais notre candidature est bien là pour défendre les intérêts de nos confrères. Laurent a déjà prouvé qu’il est capable de mener à bien les missions pour lesquelles il s’engage.


C-J.com. Qu’avez-vous envie de dire aux jeunes avocats qui ne se sentent pas représentés par l’ordre et qui, par conséquent, ne voient pas l’intérêt d’aller voter ?


M-A. C-B. Nous devons faire en sorte que les jeunes, qui sont au cœur de notre campagne, se sentent investis et unis dans notre profession. C’est fondamental.


L. M. Les jeunes doivent savoir que nous avons aujourd’hui les moyens humains et financiers de les accompagner dans leurs projets. Leur installation et leur mobilité professionnelle sont au centre de nos préoccupations. En l’espace de deux ans, nous avons lancé un vaste chantier de réforme de la formation initiale, qui est pour nous un enjeu de compétitivité. Nous avons institué un incubateur pour donner leur place aux jeunes et à l’innovation au sein de notre barreau. Nous avons besoin de temps pour continuer ces différents projets résolument tournés vers les jeunes avocats. 

 


Retrouvez le programme des candidats Laurent Martinet et Marie-Alix Canu-Bernard, sur leur site officiel



Propos recueillis par Capucine Coquand