Juriste d'entreprise : du technicien au businessman

Juriste d'entreprise : du technicien au businessman

De tous les professionnels du droit, il est celui qui connaît actuellement le plus grand bouleversement, aussi bien dans sa pratique que quant à son statut.

 

 

                                       → Cet article sera disponible dans le numéro de juin du 

                                                              Magazine Le Grand Juriste

« Le métier a changé, et ceux qui ne changent pas resteront sur le bord du chemin », analyse Jean-Charles Henry,  directeur juridique de CGI France. En l’espace de quelques années, le rôle du juriste a totalement muté. Autrefois cantonné à un simple consultant, il est aujourd'hui un soutien essentiel du business de l’entreprise. « Avant, on allait à la direction juridique comme on allait chez le dentiste », ironise Alain Curte, directeur juridique adjoint chez MMA/Covea. Eclairer les dirigeants et les opérationnels « sur les risques réels et prévisibles », voilà la charge qui pèse à présent sur les épaules du juriste.

 

Savoir sortir de sa zone de confort

 

Au fur et à mesure que les normes nationales et internationales se sont multipliées et complexifiées, les professionnels du droit sont devenus indispensables à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise. Un nouveau statut pour les juristes, plus en lien avec la direction opérationnelle, qui n’est pas sans conséquence. « On nous demande de plus en plus d'intervenir en projet et de ne pas nous cantonner à notre expertise juridique », explique Philippe Valendru, directeur juridique du groupe Daher à l'occasion du sommet du management du droit organisé par le groupe Leaders League. Une réalité qui pèse directement sur la composition de l’équipe juridique de l'entreprise. « Je recherche avant tout des talents », confirme à ce titre Béatrice Bihr, directrice juridique éxécutif de Teva Pharmaceutical France. « Des gens créatifs, imaginatifs, capables de s'interroger et de trouver des solutions, de s'adapter ». Prérequis numéro un : savoir sortir de sa zone de confort. « C'est lorsqu'on fait les choses par habitude que l'on finit par faire prendre des risques à l'entreprise. » Et s’il n’y a pas de profil « type », le passage par l'avocature intéresse particulièrement les recruteurs, « car le cabinet est réputé apporter une structuration, une formation », explique Catherine Bunod, consultante chez Arthur Hunt, cabinet de conseil en recrutement par approche directe. « Les entreprises savent la difficulté qu’il y a pour les jeunes avocats à intégrer ces cabinets, elles connaissent le volume de travail exigé et apprécient l’expérience de ces jeunes collaborateurs, qui interviennent très tôt sur des dossiers pointus », précise d'ailleurs Marc Bartel, chasseur de têtes.

 

Rester mobile !

 

« Les marchés se développent à l'étranger, que ce soit par le développement de l'activité ou par le biais de fusions-acquisitions (...), ce n'est pas un hasard si treize des directeurs juridiques du CAC 40 sont étrangers », explique Marc Bartel, managging partner d'un cabinet de conseil en management. Pourtant, « 80 % des juristes n'ont pas envie de bouger, regrette Patrick Richard, directeur juridique de Vinci, pour les faire partir il faut les bouger ». Même constat du côté de Marc Humbert, directeur juridique du groupe Atos, pour qui « la mobilité est une question clef, car c'est une source de richesse extraordinaire ».

 

Une palette d'opportunités

 

Le monde de l'entreprise permet au juriste de parcourir les différents services internes. Il peut par exemple intégrer la direction juridique, puis rejoindre la direction fiscale, et se retrouver enfin aux ressources humaines. Certains décident même de sortir entièrement du monde du droit pour s’intéresser au marketing. Un peu à l'image du profil de Sabine Lochmann. Après avoir été directrice juridique pendant plus de dix ans, l'ex-présidente de l'AFJE est devenu directrice marketing, puis directrice générale chez Johnson & Johnson, une entreprise pharmaceutique américaine. Parfois, c'est la direction juridique elle-même qui prend un nouveau tournant, pour s’adapter aux ambitions de l’entreprise.  « Si elles veulent réaliser leurs objectifs stratégiques, les directions doivent prendre en compte ces changements (...) les juristes érigés en lanceurs d'alerte interne peuvent leur apporter leur aide », explique Estelle Sultanik la directrice juridique d'Eovi-MCD. Via des outils de communication plus performants, les juristes sont ainsi appelés à informer les collaborateurs de l’actualité juridique (via des lettres d’information), et à conseiller la direction générale sur des prises de décision. Amenées à évoluer, à se renouveler, et à développer de nouvelles compétences, la profession a de beaux jours devant elle.

 

 

Parole de directeur juridique

 

« Le juriste doit avoir une bonne analyse du risque lié à la data protection qui est au cœur des préoccupations actuelles »

Jean-Marc Humbert, directeur juridique du groupe Atos.

 

 

« Si elle veut conserver sa légitimité, la direction juridique ne doit pas diluer sa compétence et rester sur une ligne business »

Franck Rohard, directeur juridique d’Europcar

 

 

« Nous sommes tous obligés d’adapter nos stratégies aux enjeux du digital »

Mathieu Prot, directeur de la propriété intellectuelle groupe, Pernod Ricard.

 


« On attend beaucoup des juristes qui doivent être des manager du quotidien et leaders capables de se projeter dans l’avenir »

Isabelle Roux-Chenu, directrice juridique Capgemini.

 

 

« Nous nous définissons comme des stratèges »

Yannick Chalmé, directeur juridique du groupe L’Oréal

 

 

 

Capucine Coquand 

@CapucineCoquand