Entretien avec Jeremy OININO, fondateur du site DemanderJustice.com

Entretien avec Jeremy OININO, fondateur du site DemanderJustice.com

Créé en 2012, le site demanderjustice.com s'est fixé pour objectif de simplifier l'accès à la justice. Renouveau de l'exercice du droit pour certains, exercice illégal du droit pour d'autres, le site est loin de faire l'unanimité. Pour en savoir plus, nous avons rencontré Jérémy Onino, son fondateur. 

Carrières-Juridiques.com : Pouvez vous nous expliquer comment est née l’idée de la création du site DemanderJustice.com ?

 

Jérémy Oinino : L'idée du site DemanderJustice.com m'est venue suite à un litige avec un voyagiste. A cette occasion, j'ai expérimenté les plus grandes difficultés afin de mettre en oeuvre la procédure de saisine du juge de proximité par moi-même.

 

La méconnaissance des procédures et leur coût élevé découragent ainsi de nombreux justiciables qui souhaiteraient saisir les tribunaux pour des petits litiges.

 

Ayant noté que la procédure était certes complexe mais très normée, j'ai décidé de réfléchir à la création d'un logiciel permettant de saisir la justice par Internet de manière à en démystifier l'accès et réduire les frais pour le public. Cette démarche a abouti à la création, en 2012, du site demanderjustice.com.


 

C-J.comComment se concrétise l’activité du site au quotidien ?

 

J.O : Notre société est avant tout basée sur une solide équipe technique. Il s'agit de comprendre les rouages du système judiciaire et de déterminer quelle valeur ajoutée le logiciel peut créer pour telle ou telle procédure. Analyse sémantique, signature électronique,  appel à des API tierces, dématérialisation des échanges (...) toutes ces technologies nous permettent de proposer de nouvelles solutions aux justiciables. Les travaux de nos ingénieurs sont agréés par le ministère de la recherche et nous explorons continuellement de nouveaux terrains. Le dernier en date, les actions collectives avec le site actioncivile.com.


 

C-J.comPensez-vous que le site DemanderJustice.com puisse être considéré comme un des acteurs du renouveau de l’exercice du droit ?

 

J.O : Incontestablement, notre ambition est que chaque citoyen puisse faire valoir ses droits dans sa vie quotidienne, que la justice ne soit plus seulement associée aux grandes affaires pénales dans l'esprit du public. Nous réalisons un travail de pédagogie considérable afin de faire prendre conscience que les tribunaux sont des lieux ouverts, notamment grâce à l'émergence de services de saisine dématérialisée comme DemanderJustice.com.


 

C-J.com : Les avocats semblent farouchement opposés à votre activité malgré les décisions de justice en votre faveur (1). Comprenez-vous cette colère ?

 

J.O : La réalité est beaucoup plus nuancée. Si, effectivement, les institutions représentatives des avocats se sont lancées dans une croisade dogmatique contre DemanderJustice.com, de nombreux avocats nous sollicitent chaque jour pour savoir de quelle manière ils pourraient travailler avec nous. Ils ont bien compris que DemanderJustice.com générait du contentieux et, quand bien même, nos clients ne recourent pas aux services d'un avocat, leurs adversaires, qui sont pour la plupart des entreprises font le plus souvent appel à des avocats. Ainsi, bien loin des fantasmes des baronnies parisiennes, DemanderJustice.com ouvre de nouveaux marchés pour les avocats.

 

De plus en plus d'avocats voient en DemanderJustice.com le souffle d'une modernité qu'ils attendaient depuis des années.

 


C-J.com Pensez-vous qu’une collaboration puisse être envisageable dans l’avenir, avec des professions règlementées, notamment les avocats ?

 

J.O : C'est déjà le cas ; des avocats parmi les plus expérimentés - Thierry Lévy, Eric Dupond-Moretti, Jacqueline Laffont, Hervé Témime, Pierre Haik - se sont associés à notre dernier projet, ActionCivile.com, dont l'un des cofondateurs est, du reste, Maître Jérémie Assous.

 


C-J.comDe façon générale, quels sont vos objectifs pour l’avenir ?

 

J.O : Notre objectif est de faire de nos solutions des standards en matière de saisine dématérialisée de la justice qu'il s'agisse du tribunal d'instance, des conseils de prud'hommes, des actions collectives et bientôt du tribunal de commerce. Nous avons démontré que notre système fonctionnait à grande échelle avec plus de 100.000 dossiers déposés en ligne depuis 2 ans. Du reste, la justice a consacré la validité de nos procédés en 2014. Sur cette base, notre prochain défi est de développer des solutions techniques pour d'autres acteurs de la gestion de litiges.




Propos recueillis par Capucine Coquand, pour Carrières-Juridiques.com 



(1) : Les avocats ont poursuivi le site DemanderJustice.com devant le Tribunal Correctionnel de Paris. Celui-ci a été relaxé le site internet en mars dernier  (Voir notre article Le site DemanderJustice.com relaxé par le Tribunal Correctionnel de Paris). Cette décision a provoqué des réactions vives de la part des avocats (Voir notre article La réaction du barreau de Paris face à l’exercice illégal du droit