Aide juridictionnelle : la différence de rémunération entre l’avocat de la défense et l’avocat de la partie civile est justifiée

Aide juridictionnelle : la différence de rémunération entre l’avocat de la défense et l’avocat de la partie civile est justifiée

Dans un arrêt du 3 novembre 2016, le Conseil d’État a tranché la question de la validité de certaines dispositions du décret du 19 décembre 1991 : la différence de traitement qui existe entre les avocats de la défense et les avocats de la partie civile en matière de rétribution accordée par l’État au titre de l’aide juridictionnelle n'est pas disproportionnée.

 

[décision n° 378190, 3 novembre 2016]

Les dispositions du décret du 19 décembre 1991 relatives à l’aide juridique avaient fait l’objet d’une demande d’abrogation par l’association Institut pour la Justice. Cette demande a été rejetée par le Ministre de la Justice. A l’appui de ses prétentions, l’IPJ soutenait que ces dispositions instituaient une différence de traitement disproportionnée dans la mesure où l’aide juridictionnelle attribuée à l’avocat de la défense est supérieure à celle attribuée à l’avocat de la partie civile.

 

« Si le procès pénal peut avoir pour effet de répondre aux attentes des victimes, il a pour objet de permettre à l'État, par la manifestation de la vérité et le prononcé d'une peine, d'assurer la rétribution de la faute commise par l'auteur de l'infraction et le rétablissement de la paix sociale »

 

Le montant de l’aide juridictionnelle octroyée aux avocats est déterminé par une formule fixée par décret. L’article 90 du décret de 1991 prévoit que la fixation du montant de l’aide juridictionnelle allouée aux avocats est notamment fonction d’un coefficient en unités de valeurs.

 

« le coefficient en fonction duquel est déterminée la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est fixé à 12 unités de valeur pour une instruction correctionnelle sans détention provisoire, à 50 unités de valeur pour une instruction criminelle et à 50 unités de valeur pour une procédure devant la cour d'assises, la cour d'assises des mineurs ou le tribunal pour enfants statuant au criminel ; que le même article prévoit que la contribution de l'Etat à la rétribution de l'avocat au titre de l'assistance d'une partie civile dans ces différentes procédures est déterminée en fonction de coefficients fixés, respectivement, à 8, 18 et 35 unités de valeur ».

 

Le Conseil d’État répond en deux temps. D’une part, il juge « qu'eu égard à la fonction et à la portée du procès pénal […], le mis en cause et la partie civile ne sont pas dans une situation identique ; que, par voie de conséquence, les missions de l'avocat de la défense et celles de l'avocat de la partie civile ne sauraient être considérées comme identiques »

 

Pour le Conseil d’État, l’avocat de la défense doit faire face à des charges plus lourdes que l’avocat de la partie civile, de l’instruction du dossier jusqu’au procès. Au cours du procès pénal, l’avocat de la défense doit « plaider non seulement, comme l'avocat de la partie civile, sur la question de la culpabilité, mais également sur celle du quantum de la peine ».

 

Il en résulte que la différence de traitement qui existe entre la rétribution allouée à l’avocat de la partie civile et l’avocat de la défense est en rapport direct avec l’objet du décret de 1991 dont les dispositions contestées, « en tant qu'elles prévoient des contributions de l'Etat d'un montant différent, […] ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation et ne sauraient être regardées comme portant atteinte aux principes d'égalité devant la justice et d'égalité des armes »

 

Dans un second temps, le Conseil d’État juge en revanche que dans le cadre de la procédure relative aux demandes de libération conditionnelle concernant les personnes condamnées à une peine de réclusion supérieure ou égale à 5 ans (art. 730 CPP), l’administration a institué une différence de traitement manifestement disproportionnée : « en s'abstenant de prévoir toute rétribution de la mission d'assistance de l'avocat de la partie civile intervenant, au titre de l'aide juridictionnelle, dans la procédure prévue à l'article 730 du code de procédure pénale, alors que celle de l'avocat assistant au même titre la personne condamnée dans cette procédure bénéficie d'une contribution de l'État à hauteur de quatre unités de valeur, l'article 90 du décret du 19 décembre 1991 a méconnu le principe, posé par l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991, de rétribution de l'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ».

 

La décision de refus du ministre de la justice est donc annulée en tant qu’elle concerne la procédure de l’article 730 CPP.

 

Lien vers la décision du Conseil d'État

 

Pierre Allemand
@Pierre_Ald