"La démarche digitale est encore floue pour bon nombre de professions juridiques..."

Après 5 années d'expérience au sein de l'agence de communication Eliott & Markus, Marina Thomas a su développer une connaissance de la communication comme outil au service des professions juridiques. Elle a aujourd'hui décidé de mettre celle-ci au profit de sa propre agence de cross-média. 
 

Carrières-Juridiques.com :  Pouvez-vous nous expliquer votre parcours universitaire et vos premiers pas professionnels ? 


Marina Thomas : Après mon bac, je suis partie étudier un an en Angleterre. En rentrant, j'ai poursuivi mes études par une licence de Langues Etrangères Appliquées puis par un Master II en Langues et Commerce International. 


Ma première expérience professionnelle fût un poste de chargée de publicité chez Décideurs Stratégie Finance Droit : mon entrée dans le monde juridique. J'ai très vite voulu passer de l'autre côté de la barrière, en agence de communication, et j'ai intégré l'équipe d'Eliott & Markus l'année suivante, en juillet 2009.  


C-J.comVous avez travaillé pendant près de 5 ans pour l’agence Eliott & Markus, qui s’occupe notamment de la communication de certains grands cabinets d’avocats. Pouvez-vous nous expliquer plus précisément votre rôle de responsable des relations presse au sein de cette agence ? 


M.T : Lorsque je suis arrivée chez Eliott & Markus, il n'y avait pas de pôle médias. J'ai créé le pôle avec Amélie Lerosier, associée de l'agence. Eliott & Markus venait de remporter un appel d'offres pour la gestion des relations presse du bureau parisien de Baker & McKenzie.  


Dans un premier temps, j'étais la seule attachée de presse de l'agence puis petit à petit, les demandes étant de plus en plus nombreuses, nous avons recruté 4 autres personnes. Ma mission principale était de créer et de développer le carnet d'adresse journalistes de l'agence, qu'il s'agisse de la presse on et offline, marché, spécialisée, généraliste et même audiovisuelle. Ensuite, je me suis rendue compte que nous ne pourrions pas aller plus loin si nous ne sensibilisions pas nos clients au monde et à l'environnement des médias. J'ai donc créé une offre « media training » qui consistait soit à expliquer aux clients comment travaillent les journalistes, quelles sont leurs contraintes et ce qu'ils attendent d'un expert juridique, soit sous forme de séance individuelle en travaillant sur des entraînements aux interviews filmées et la construction d'un discours. J'avais bien entendu des fonctions de management, mais je ne les appellerais pas ainsi aujourd'hui... 


C'était une création de poste, un challenge, une belle aventure.  Un jour, en discutant avec celui qui est aujourd'hui mon associé, j'ai pris conscience que cette expérience pouvait se définir comme de l' « intrapreneuriat ». 


C-J.com : Pourquoi avoir choisi de créer votre agence de cross médias Jakobson ? 


M.T : De l'intrepreunariat vient l'envie d'entrepreneuriat. J'avais envie de me sentir libre, de construire quelque chose de durable et bien entendu de me surpasser en me donnant un nouveau challenge. J'avais avant tout besoin de voir les relations presse autrement, d'y associer de la stratégie et la base, de l'humain. Je ne voulais plus faire des relations presse pour faire des relations presse, sans même savoir ce qu'il y a derrière. 


C-J.com : Pouvez-vous nous expliquer les différents objectifs  de cette nouvelle agence ? 

M.T : L'objectif principal est de redonner un sens aux relations presse. 


Roman Jakobson, linguiste Russe, a inspiré notre nom, par sa définition du schéma de la communication dans lequel il pose les conditions verbales et non verbales d'une bonne communication entre, au moins, deux personnes. En y réfléchissant, je me suis dis qu'il manquait quelque chose dans la communication entre les clients et les journalistes. Personne n'est jamais vraiment satisfait du résultat. Il manque des codes communs. Comment peut-on parler de son expertise, la partager clairement si  la personne en face ne connaît ni vos codes, ni votre langage ? L'objectif de Jakobson aujourd'hui, est de faire en sorte que la relation / communication entre clients, professions juridiques ou non, et journalistes se fasse avec les mêmes codes, les mêmes valeurs et un langage commun. Placer  l'humain, les besoins et les attentent respectives de chacun au cœur d'une même stratégie. Pour cela il faut intégrer les relations presse à la stratégie globale de communication. Cela paraît évident mais c'est un travail de fond et de forme qui nécessite beaucoup de réflexion. Beaucoup d’agences traitent d'abord la stratégie globale et les relations presse ensuite, en support. Pour moi, on ne peut dissocier les deux.


Le second objectif est de mettre en place cette stratégie medias au service de femmes décideurs. C'est une autre vision, une autre perception du conseil en image. Mettre en valeur des individus au sein d'une structure, positionner cette personne selon son titre, son expertise et ses valeurs.



Le troisième et dernier objectif est de faire entendre notre vision des nouveaux medias (réseaux sociaux notamment) comme des medias à part entière. Montrer que le traitement de l'information évolue. Notre métier est  d'accompagner nos clients dans cette évolution.


C-J.com : Vous avez acquis une expérience certaine en matière de communication, principalement auprès des professions juridiques. Avez-vous remarqué une évolution de leurs pratiques de la communication ? 

M.T : C'est indéniable. La preuve il y a 5 ans, quand je suis arrivée chez Eliott & Markus, il n'y avait pas de pôle Relations Presse car la demande n'était pas assez importante. Les RP étaient considérées comme de la pub. Aujourd'hui, quel cabinet ne fait pas de relations presse ? L'outil s'est démocratisé et je pense que l'assouplissement récent de la réglementation va encore faire évoluer les pratiques.

La communication, qu'elle soit institutionnelle ou digitale, devient indispensable pour faire la différence sur un marché extrêmement concurrentiel.
Aujourd'hui, certains cabinets sont de véritables entreprises à part entière. Ils doivent trouver des moyens toujours plus innovants pour faire valoir et promouvoir leur marque. Les professions juridiques ont compris le besoin de communiquer et les outils qui sont à leur disposition. En revanche il y a encore un pas à faire pour arriver à un résultat optimal. La notion de partage et d'échange intrinsèques à la communication. Une bonne majorité des professions juridiques sont encore trop « guidées » par l'égo et la volonté d'indépendance. Ceux qui ont compris qu'il s'agissait d'une démarche collective dédiée à la promotion d'une marque et non leur propre nom ont de l'avance sur les autres... 


C-J.com : Vous avez également développé une expérience en matière digitale. Nous savons que les professions juridiques ne sont pas les plus développées en la matière. Pensez-vous qu’une évolution est à venir en ce sens ? 


M.T La démarche digitale est encore floue pour bon nombre de professions juridiques. Mais la volonté d’entamer des démarches « digitales » est là. C'est déjà un bon début. Je crois que c'est désormais aux professionnels de la communication de prouver qu'ils maîtrisent eux-mêmes parfaitement ces nouveaux modes de communication avant de pouvoir convaincre les professions juridiques de son intérêt... Digital rime encore trop avec viral et je comprends leur réticence, je ne suis pas certaine que cela soit propre aux professions juridiques, c'est une question d'identité. 


Les professions juridiques viennent de constater les premiers effets d'une communication « traditionnelle », c'est à nous de leur expliquer que le digital ne va pas tout remettre en cause et que nous le maîtrisons suffisamment pour que la transition soit quasi invisible. 


Propos recueillis par Capucine Coquand, responsable presse pour Carrières-Juridiques.com