« Il faut faire sortir l’avocat de sa bibliothèque » : rencontre avec Olivier Cousi et Nathalie Roret, candidats au bâtonnat de Paris

« Il faut faire sortir l’avocat de sa bibliothèque » : rencontre avec Olivier Cousi et Nathalie Roret, candidats au bâtonnat de Paris

Le 1er décembre prochain, l’élection du bâtonnier de Paris et de son vice-bâtonnier marquera l’avènement d’un nouvel élan au sein de la profession d’avocat. A cette occasion, les candidats Olivier Cousi et Nathalie Roret se sont livrés à un entretien au cours duquel ils ont manifesté leur ambition d’adapter la profession d’avocat aux exigences de la société contemporaine dès le passage à l’EFB.

Carrières-juridiques.com. Vous prévoyez la création d’une nouvelle structure pour les avocats : l’Institut du Barreau de Paris. Quelles seront ses missions ?

 

Olivier Cousi & Nathalie Roret. Partant du constat que le Barreau de Paris bénéficie aujourd’hui d’une notoriété incontestable, force est cependant de constater qu’il souffre d’un cloisonnement difficilement compatible avec les évolutions auxquelles la profession d’avocat doit pourtant faire face.

 

Le Barreau de Paris détient certes l’histoire de la profession, mais il faudrait aller au-delà, tisser davantage de liens afin de rassembler toutes les composantes du métier au sein d’une même structure, l’Institut du Barreau de Paris, sur le même modèle que les « City Bar Leaders » américains.

 

Parmi ses missions, l’Institut du Barreau de Paris serait amené à mettre en œuvre une modernisation de la formation continue des avocats. Le quotidien d'un avocat d’aujourd'hui étant sensiblement différent de celui du début des années 2000, l’enseignement des élèves-avocats doit naturellement poursuivre cette évolution et s’adapter, en intégrant par exemple de nouvelles matières telles que la compliance, l’éthique, ou encore les problématiques RSE. Il conviendrait également de développer et renforcer les partenariats avec les Universités et les médias afin d’élargir les compétences des futurs avocats.  

 

Cette évolution serait la réponse à la demande des entreprises de travailler avec des avocats ayant une vision plus large de leur activité, afin de prévenir et anticiper au mieux les risques.

 

CJ.com. L’instauration du statut d’avocat d’entreprise serait la solution ?

 

O. Cousi & N. Roret. La question de l’avocat d’entreprise est cruciale et ne doit pas être laissée sans réponse. Le statut d’avocat d’entreprise tel que débattu à l’occasion de la loi Sapin 2 n’est pas satisfaisant, il doit être amélioré.

 

De manière générale, le statut de l’avocat doit évoluer. On constate de nombreux aller-retours de carrières entre l’avocat et l’entreprise. Il y a donc un développement à penser, un statut à affiner, à adapter notamment au regard du secret des affaires auquel sont confrontés les juristes.

 

Par ailleurs, les métiers de juriste et d’avocat vont nécessairement converger. Cela représente une véritable opportunité de développer ce marché. La moitié des métiers juridiques n’existe pas aujourd’hui. Dans 5 ans la profession d’avocat ne ressemblera pas à celle que l’on peut connaître.

 

En définitive, il faut rester ouvert, il y aura une place pour valoriser la formation des futurs avocats. Les cabinets auront du mal à rester dans leur position actuelle s’ils n’évoluent pas. Il ne faut pas le prendre comme une contrainte mais comme une chance. Il ne pourra pas y avoir les mêmes cabinets avec le même type de revenus.

 

CJ.com. Cette évolution nécessitera de « replacer l’avocat au sein des valeurs de la République » comme vous le prônez ?

 

O. Cousi & N. Roret. Le rôle de l’avocat est de « parler pour quelqu’un ». Toute personne a le droit d’être représentée, ce droit fondamental reposant sur le respect de la dignité des citoyens. L’aide juridictionnelle n’étant pas aujourd’hui satisfaisante (moyens financiers insuffisants, rémunération des avocats inadaptée), cela pose nécessairement un problème de dignité tant pour le citoyen que pour l’avocat. Il faut replacer l’avocat au cœur de la cité.

 

CJ.com. La solution ne se trouverait-elle pas dans les Legal start-up ?

 

O. Cousi & N. Roret. Les Legal start-up sont-elles de nature à empiéter sur le champ de compétences de l’avocat ? Cette question est fréquemment débattue. Traditionnellement monopole des avocats, le conseil juridique s’est ouvert à d’autres professions réglementées du fait de l’économie numérique.

 

Dans certaines hypothèses, d’autres structures peuvent être mieux placées pour dispenser certains conseils, permettant parfois de déblayer le terrain pour l’avocat. La majorité des questions que les justiciables peuvent être amenés à se poser demeurent souvent sans réponse car elles ne sont pas qualifiées juridiquement et sont parfois des questions culturelles, sociales, humaines. Pour autant, la question existe. La start-up Rocket Lawyer propose à ce titre d’apporter aux clients les moyens de traiter cette question juridiquement, soit en y répondant, soit en laissant à un avocat le soin d’y répondre.

 

De manière générale, les Legal start-up ne doivent pas représenter un frein pour les avocats, mais ces derniers doivent les voir comme un levier, une puissance. Il faut sortir de l’Ordre. Le respect de la déontologie doit primer, mais elle doit évoluer et se placer comme l’essence du développement de la profession.

 

En définitive, il faut faire sortir l’avocat de la bibliothèque, de telle sorte qu’il puisse travailler en complémentarité avec les Start up. Pour y parvenir, le statut de la collaboration libérale doit également être adapté.

 

 

NDLR : parmi leurs engagements, les candidats souhaitent un renforcement du statut de la collaboration libérale, fondé sur trois piliers.

 

Il conviendrait dans un premier temps de généraliser l’assurance pour perte de collaboration en l’intégrant dans le contrat type de collaboration proposé par l’Ordre. Pour son financement, l’Ordre des avocats prendrait à sa charge une partie du coût de cette assurance, dont les proportions restent à définir. 

 

Par ailleurs, les collaborateurs qui s’investissent dans le développement du cabinet doivent pouvoir bénéficier de rétrocessions complémentaires qui pourraient prendre la forme d’intéressement ou d’une rémunération justifiée par l’apport de nouveaux dossiers.

 

Enfin, l’Ordre des avocats doit pouvoir procéder à l’encadrement du contrat de collaboration en contrôlant son exécution loyale par chaque partie et en sanctionnant les éventuels abus qui pourraient l’affecter.

 

Pour en savoir + : site Internet des candidats.

 

Propos recueillis par Bianca Benoist @bibenst et Pierre Allemand @Pierre_Ald